Il fallait que je me fasse une idée. Il fallait que je ne me contente pas des "on dit", des citations et des propos rapportés.

On peut dire que je n'ai pas été déçu.

Cet opuscule est un ensemble de plusieurs textes datant d'époques différentes. Ils portent sur mai 68, sur la révolution culturelle sous Mao, sur la Commune et se termine sur "l'hypothèse communiste".

Je ne ferai une recension complète. Je n'en ai pas le temps. je mettrai juste à plat quelques réflexions après ces lectures.

• Il cite des oeuvres qu'il a écrites portant sur le communisme en entreprise, un opéra, une pièce calquée sur le soulier satin avec des extraits. En fait, on dirait du Lauzier (celui qui dessine Tranches de vie) sans l'humour. Peut-être Lauzier s'en est-il d'ailleurs inspiré.
• Badiou fait référence à des figures plus que critiquables. Il cite sans cesse Mao, mais je reviendrai dessus. Dnas son texte sur la commune, il cite l'historien Henri Guillemin, connu pour une lecture complotiste de l'histoire ne rendant pas compte de la complexité des forces en jeu. Il met aussi Lacan en avant.
• Il a parfois des propos complètement obscurs (si la philosophie c'est rendre la lumière sur le monde, c'est raté)
• Il présente une image de notre société capitaliste (certes imparfaite) une vision tronquée, simpliste (Le capitalisme n'est qu'un banditisme, irrationnel dans son essence et dévastateur dans son devenir)
• Il a une vision téléologique de l'histoire: tout de même que, en organisant en 1919 le massacre des spartakistes dirigés par Rosa Luxembourg, la petite bourgeoisie sociale-démocrate préparera de loin la possibilité de l'hypothèse nazie
• Il n'apprécie pas la démocratie telle qu'elle existe aujourd'hui
• De fait, Badiou n'a aucune idée des dynamiques qui ont amené à nos sociétés-Etat. Il fait comme si nous pouvions nous en détacher sur une simple décision
• Il n'est pas matérialiste. Preuve s'il en est de son utilisation du terme "transcendance" qu'il ne définit pas ici et qui vient transcender l'idée communiste.
• Il use d'analogies par deux fois avec les sciences dures. il devrait lire Sokal/Bricmont.
• Il use du mot "vrai" comme un véritable idéologue. Le vrai étant toujours de son côté bien évidemment
• Il fustige à raison les 20000 morts de la Commune écrasée par les Versaillais mais fait peu de cas des millions de morts et de persécutés lors de la Révolution Culturelle en Chine.
• Il développe une certaine idée de "l'événement historique" dans sa lecture militante de l'Histoire. Ce n'est pas inintéressant mais c'est vain.

En réalité, ce qui intéresse Badiou, c'est le monde des idées, capable de créer une effervescence émancipatoire toujours mise en échec par les hommes. Il fait preuve de rationalisation et non de rationalisme. Pour lui l'hypothèse communiste est une nécessaire réapropriation dans ces temps où le terme, selon lui, est condamné (et non sans certaines raisons) comme seule capable de réenchanter les hommes oppressés par l'Etat.

Autant dire que j'ai eu l'impression de mettre un vieux logiciel suranné dans un ordinateur complexe. Je pense qu'Alain Badiou en faisant preuve de mauvaise foi sur les capacités humaines (qu'il qualifie d'ailleurs parfois, c'est étonnant, d'animal humain. Je ne m'y attendais pas) et sur le bilan des communismes à travers le monde montre surtout une impasse idéologique et philosophique.

Quand finalement on trouve des mèmes sur le "cépalevraicommunisme", c'est qu'ils ont dû faire suite à une lecture de Badiou.