• Alain Corbin - Le village des "cannibales"

    C'est un fait divers qui fait encore dresser les cheveux sur la tête et qui fait fonctionner l'imagination de pas mal de personnes (Jean Teulé en a fait un roman) qui s'est déroulé le 16 juin 1870 à Hautefaye dans ce qu'on appelle aujourd'hui le Périgord Vert.

    Un homme jeune, noble, est pris à partie pour des propos qu'il n'a pas tenu par une troupe d'habitants des alentours à l'occasion d'un foirail. Il sera torturé pendant 2 heures par un nombre important de personnes qui, à tour de rôle, alterneront moments de pauses et moments de cruauté. Il finira traîné par les jambes puis brûlé (vif?). Contrairement à la légende, il n'y aura pas d'anthropophagie. (Corbin analyse justement le rapport à ce "cannibalisme")

    Alain Corbin est historien mais d'un genre particulier, il fait ce que je crois on appelle de la microhistoire, tentant de rendre sensible les temps passés. Il essaie de rendre l'air du temps, non pas par l'intermédiaire des "grands hommes" mais en dressant une sorte de portrait de l'époque à travers les humeurs, les politiques, les ambiances, les rapports de force entre les individus dans un lieu précis.

    Ce fait divers qui fera grand bruit à l'époque est l'occasion pour Alain Corbin de dresser le portrait de cette France rurale bonapartiste, prompte à la rumeur aux ambitions très éloignées des républicains, ayant des revendications fiscales. un passage m'a d'ailleurs rappelé les GJ (ceux du début):

    "Le supplice d'Alain de Monéys demeure avant tout une manifestation. La paysannerie parcellaire, dispersée en de multiples hameaux, installée dans une région où la cohésion des communautés villageoises apparaît relativement faible, profite de la foire pour goûter les joies de l'identité éprouvée. Le foirail de Hautefaye, loin des notables, loin de la ville, loin des autorités, constitue, répétons-le, un lieu privilégié pour jouir du plaisir d'être ensemble et pour se délecter de l'échange des rumeurs"

    L'analyse est divisée en 4 parties. La première partie essaie d'établir une cohérence des pulsions qui moussent dans la région. La deuxième partie évoque les rumeurs et les conditions qui vont amener à ce qu'un jeune noble soit considéré comme Républicain et donc "Prussien". La troisième partie évoque davantage le massacre en lui-même. Et la quatrième partie cherche à analyser les analyses de l'époque. Cette dernière partie est importante car elle évoque la réception du fait divers par ses contemporains, l'évocation du "monstre" et l'évolution de la perception de la violence politique dans l'espace public.

    Un livre d'Histoire très lisible qui offre un portrait sensible de la France rurale en 1870, des individus la composant et de leurs positions (morales, politiques...) dans un contexte particulier (la chute du IInd Empire). Il sera bientôt temps de lire sur la Commune (Pierre MILZA et ses deux tomes de "l'année terrible"), une autre France populaire, urbaine cette fois-ci. Et puis j'ai aussi deux livres d'Alain CORBIN qui traînent dans un coin...

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