• Albert Londres - Le juif errant est arrivé

    Albert Londres - Le juif errant est arrivé

     

    "-Je suis venu voir les Juifs, leur dis-je.
    - Moi, je m'appelle Ben, fit le roux et mon ami, Salomon
    - Alors Chalom!
    Ils répondirent:
    - Chalom!"

    En 1929, Albert Londres part à travers le monde (mais une partie seulement) à la recherche des Juifs. Juifs qui, dans ces années 20, faisant suite à Théodore Herzl  et à Lord Barfour, partent parfois en Palestine pour y faire leur pays.

    A l'occasion de 27 articles pour le Petit Parisien, Albert Londres nous emmène en Europe de l'est, dans les Carpates, où les juifs dans les ghettos, leurs villages meurent dans une misère noire, jusqu'au ghetto de Varsovie, puis jusqu'en Palestine.

    C'est l'occasion de découvrir la misère des juifs en ces pays, les pogroms des années 1910, qu'ils subissent de la part des Russes, des Ukrainiens, des Polonais l'antisémitisme chevillé au corps. Albert Londres avec son écriture faussement naïve, avec sa malice parfois questionne ces juifs: qu'en est-il de cet idéal sioniste? Les vieux et les jeunes en ces années peuvent parfois s'opposer. Herzl n'est pas un prophète disent les anciens, certains jeunes craignent pour leur vie. Dire que quelques années plus tard, ils subiront les Einsatzgruppen qui les anéantiront (1 400 000 juifs tués).

    Puis Albert Londres part en Palestine, 10 ans après un premier voyage où il avait vu s'installer les premiers colons à Tel-Aviv, interroger à la fois les juifs (environ 150 000) à cette époque et les arabes (700 000). Déjà, il y a presque un siècle les apories étaient présentes: terre promise, terre achetée, décision internationale ne prenant pas en compte le peuple palestinien, Arabes mécontents, massacres déjà organisés...

    Albert Londres a eu du nez lorsqu'il parlait des juifs qui s'installaient en Palestine, victimes des nations d'Europe de l'Est, peuple, culture, religion (race comme dit Albert Londres en 1929) à la recherche d'un pays où le juif est dans son pays.

    "Heureux ? Profondément heureux d’être Juifs. Ailleurs, partout dans le reste du monde, quand un Juif commet une mauvaise action, ce n’est plus ni un Français, ni un Allemand, ni un Belge, ni un Anglais, c’est un Juif ! Un Juif découvre-t-il une grande chose ? fait-il honneur à l’humanité ? Alors, ce n’est plus un Juif, c’est un Allemand, un Belge, un Anglais, un Français. Pour chacun, Einstein est Allemand, Bergson est Français. Tous ces Juifs d’ici déclarent qu’ils en ont assez de collaborer à l’enrichissement des cultures anglaise, russe, française, allemande ou américaine. En Palestine leur orgueil est satisfait. Ils ont conquis le droit d’être une crapule ou un génie sans pour cela cesser d’être un Juif."

    Le juif errant est donc arrivé en son pays

    Albert Londres a donc suivi un mouvement mondial qui se transformera en la création d'un nouvel Etat. Il se trompera quand il verra dans la France et en Angleterre (il n'y a ait aucun juif français en Palestine en 1929 d'après lui) des pays qui ont su assimiler les juifs. Il ne verra pas les rafles sous Vichy puisqu'il mourra en 1932 lors d'un naufrage.

    Comme de nombreux auteurs et malgré les tensions (meurtres) qu'il a su décrire entre juifs et arabes en Palestine à cette époque, il veut terminer sur une note se voulant optimiste:

    "On me demande enfin : "Considérez-vous l'installation des Juifs dans leur ancien pays comme un fait acquis ? "Je la considère, en tous cas, comme un fait très sérieux. Ce ne sont pas les Juifs qui, d'eux-mêmes, ont repris le chemin de la Palestine. C'est l'Angleterre qui les y a conduits. Et cinquante et une nations ont approuvé l'Angleterre. Les Juifs, depuis, ont-ils commis de telles fautes pour revenir sur leur parole ? Non !Les Juifs ont manqué de psychologie, de mesure. Si les nations n'avaient pas pensé que le pays était déjà habité par des Arabes, eux eussent dû y prendre garde. Maintenant, ils le savent ; ils ont payé pour le savoir, et je crois qu'à la période d'orgueilleuse conquête ils sont prêts à substituer celle de la collaboration. Les Arabes le voudront-ils ? Pour l'instant, ils répondent : "Non !""Non" en Orient n'a pas la même valeur qu'en Occident. Après un "non", on peut tout de même continuer la conversation, en certains pays. Encore faut-il que l'on ne discute pas le poignard à la main. C'est justement pourquoi l'Angleterre est en Palestine. Est-il possible qu'elle ne s'en rende pas compte ? "

    Il se sera donc trompé.

    À lire donc pour comprendre comment "le mouton est devenu lion", comment dans ces années un peuple constitué de cultures aussi différentes a su, afin d'avoir la main sur son destin, afin de ne plus subir de massacres, de pouvoir vivre en paix, de prendre une terre et de tout faire pour la garder, encore aujourd'hui en 2018.

    [J'aime bien Albert Londres. J'aime beaucoup ce prototype du reporter, capable de partir à travers le monde afin de suivre une idée, de décrire des événements ou des mouvements, capable d'écrire sur le long terme, éloigné des contraintes de la vitesse. Son écriture est claire et son désir d'objectivité, son humanité en font un témoin terrible qui sait laisser le lecteur être juge.]

    « Eve Ensler - Les Monologues du vaginErnest Renan - Qu'est-ce qu'une nation? »

    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :