• Alfred DÖBLIN - Berlin Alexanderplatz

    Alfred DÖBLIN - Berlin Alexanderplatz

     

    Attention c'est un chef d'oeuvre! C'est un chef d'oeuvre qui ne se donne pas facilement, mais il mérite l'effort du premier tiers.

    C'est un texte inhabituel, apparemment inspiré de John Dos Passos. Certes, il y a un personnage principal, Franz Biberkopf mais il partage le texte avec Berlin.

    Le texte date de 1929, Berlin est en pleine effervescence et le texte met en scène cette ville, c'est l'occasion d'y placer les conversations annexes, les chansons, les bruits de la rue, l'argot, la langue orale, les faits divers, les publicités...

    « C’était le paradis merveilleux. Les eaux grouillaient de poissons, du sol les arbres jaillissaient, les animaux jouaient, animaux de la terre, animaux de la mer et oiseaux.

    Alors un froufrou dans un arbre. Un serpent, serpent, serpent avance la tête, un serpent vivait au paradis, et il était plus vicieux que tous les animaux de la terre, et il commença à parler, à Adam et Ève il parla.

    Comme Franz Biberkopf au bout d’une semaine monte tranquillement l’escalier avec un bouquet enrobé dans du papier de soie, il pense à sa grosse, se fait des reproches, mais pas tout à fait sérieusement, s’arrête, c’est une fille franche comme l’or, à quoi bon les conneries, Franz, bah, c’est les affaires, « es affaires sont les affaires. Alors il sonne, sourit par avance, bon sourire d’aise, café chaud, une p’tite poupée. Là-dedans quelqu’un marche, c’est elle. Il bombe le torse, présente le bouquet devant la porte de bois, la chaînette glisse, son cœur cogne, est-ce que ma cravate est pas de travers, une voix de femme demande : « Qui est là ? » Il ricane : « Le facteur. »

    Petit entrebâillement noir, ses yeux à elle, il se penche délicatement, bon sourire, agite le bouquet. Crac. Porte fermée, claquée. Rrrrrr, on pousse le verrou. Tonnerre de Dieu. La porte est fermée. Tu parles d’une charogne. Te v’là bien. Elle doit être folle. Est-ce qu’ê m’a seulement reconnu ? Porte brune, panneau de porte, j’suis sur le palier, ma cravate est pas de travers. C’est à n’y pas croire. Faut sonner encore, ou pas. Il regarde ses mains, un bouquet, j’l’ai acheté t’t à l’heure au coin, pour un mark, ’vec du papier de soie. Il sonne encore une fois, deux fois, très longtemps. Elle doit être encore à la porte, ê veut pas ouvrir, c’est tout, ê bouge pas, ê retient son souffle et m’laisse en plan. En même temps elle a encore mes mes lacets, toute la marchandise, pour trois marks peut-être, j’peux bien la récupérer. Maintenant quelqu’un bouge là-d’dans, maintenant ê s’en va, elle est dans la cuisine. C’est vraiment —.

    Descendons l’escalier. Puis retour là-haut : J’vais sonner encore une fois, faut qu’j’en aye le cœur net, possible qu’ê m’a pas vu, ê m’a pris pour un autre, pour un mendigot, il en passe beaucoup. Mais comme il est devant la porte, il ne sonne pas. Il ne le sent pas du tout comme ça. Il attend simplement, reste là. Bon, elle m’ouvre pas, j’voulais juste savoir. J’vendrai plus rien dans cette maison, qu’est-ce que je fais du bouquet, m’a coûté un mark, pas moins, j’le balance dans le caniveau. Soudain il sonne une fois encore, comme sur ordre, attend tranquillement, très bien, ê vient même pas jusqu’à la porte, ê sait qu’c’est moi. Alors j’vais déposer un mot chez les voisins, faut bien que je récupère ma marchandise. » 

    Le narrateur est multiple, il s'adresse à nous, se place à côté des personnages, parfois prend le rôle d'un choeur antique. Parfois, c'est aussi un monologue intérieur.

    C'est riche, très riche, foisonnant et tout cela se déroule dans les bas-fonds de Berlin, au milieu du lumpenproletariat. Autant dire que Franz Biberkopf qui sort de prison et qui se promet de ne pas retomber dans l'illégalité sera au coeur de moult entraves.

    « Faut-il en finir avec les stéréotypes de sexe ?Hugues LAGRANGE - Le déni des cultures »

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