• Anne APPLEBAUM - GOULAG, une histoire

     

    Prix Pulitzer de l'essai, 2004

    Le goulag? Nous avons du mal à l'envisager. Nous savons que des millions de personnes y ont été incarcérés dans cet "exil intérieur", nous savons les troïkas iniques qui ont envoyé femmes, enfants dans le froid et à une mort probable lorsque les températures sont inférieures à -30°, ou lorsque sont enfermés, sur les mêmes lieux, les "politiques" et les "droits communs"; Mais qui nous raconte l'histoire? Qui nous en a fait un récit permettant d'appréhender les millions de morts, les déportations, les exécutions sommaires, choses qui évoquent la Shoah pou laquelle, nous avons su faire une narration (de moins en moins, certes mais) toujours prégnante dans nos imaginaires et sur la manière de comprendre les totalitarismes?

    Il ne s'agit pas de comparer les deux. Peut-on comparer les modalités de deux crimes? Peut-on tenter de hiérarchiser un génocide et un "génocide de classe" (comme le dit Stéphane Courtois)? Doit-on comparer le nombre de morts pour déterminer quel système a été le plus monstrueux?

    En tout cas, Anne Applebaum, essaie de remettre les choses dans l'ordre. Elle est apparemment la première à réaliser un travail de condensation d'éélments épars pour proposer un regard enfin complet sur le goulag.

    L'auteur évoque la genèse du goulag par Lénine et Trotski. Ne venez surtout pas comparer le système carcéral tsariste qui enfermait certes certains politiques (Lénine et Trotski pour les plus célèbres) mais qui leur permettait d'avoir accès à des livres (politiques), leur versait une pension, leur permettait d'avoir leur famille avec eux et leur laissait le loisir de s'échapper). Dans cette genèse elle évoque bien sûr que dès 1928, les opposants y étaient enfermés (île de Solovetski)

    Puis, c'est le tournant de 1924, avec la mort de Lénine et la tentation stalinienne de faire des zeks (prisonniers) l'outil du développement industriel en en faisant des esclaves, des ressources négligeables qui mourraient de fatigue, de sous nutrition mais qui étaient immédiatement  remplacés par d'autres. C'est ensuite les répressions contre certains peuples, les grandes purges (1937-1938), les marches forcées lors de la retraite face aux troupes hitlériennes, les morts allemands après 1945 puis les politiques après 1953 malgré la tentative d'apaisement par Béria ou Kroutchev (après le discours de 1956), jusqu'à la disparition d'un système devenu obsolète.

    Anna Applebaum en fait la chronologie, une étude des moeurs, des rapports de force dans les camps, des rôles de certains, parfois zeks, parfois gardiens, de la souffrance, des séparations, des conséquences individuelles, familiales, jusqu'à un présent qui n'arrive pas encore à regarder son passé tant la Russie actuelle s'est bâtie sur les anciennes structures.

    Elle cite souvent Soljenitsyne, Chalamov (qu'il faudra relire). Elle évoque même rapidement Rawicz dans le chapitre sur les évasions...

    Il s'agit d'un ouvrage essentiel pour comprendre le système oppressif soviétique qui dès ses premiers instants a cherché à garder une pureté idéologique. La suite n'en a été qu'une conséquence.

    A compléter avec le reportage en partie signé par Nicolas Werth et disponible sur Arte mais qui s'arrête en 1956.

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