• COLETTE - Claudine à Paris

    COLETTE - Claudine à Paris

    COLETTE - Claudine à Paris

    Claudine à l'école annonçait l'arrivée de son personne éponyme à Paris. Elle y suit son père et se mêle à la vie parisienne en faisant la connaissance de sa tante qui l'introduira dans la bonne société. Elle y fera connaissance de Marcel (son neveu du même âge qu'elle) et de son père Renaud. Elle retrouvera même par hasard son ancienne amié Luce, le temps que cette dernière lui raconte son histoire.

    On y suit agréablement les pérégrinations de la jeune fille de 17 ans. Ce qui fait la valeur de ce roman, c'est que d'abord il est mieux construit que le précédent. Il m'a semblé moins répétitif. Ensuite, le personnage de Claudine est épatant: on imagine une jeune fille libre, indépendante, intelligente, frondeuse et forte, faisant son chemin au milieu de ce monde complexe. Et ce n'est pas tant sa liberté sexuelle qui donne de la valeur au personnage (sa rencontre avec le cousin Marcel qui vit une amitié particulière est intéressante) est est mise en avant mais que sa liberté totale. On sent que la détermination de Claudine mettra à bas toutes les réticences potentielles de la société, qu'elle n'en sera pas l'objet mais qu'elle saura faire plier le monde à sa volonté.

     

    Et puis, qu'il est agréable de découvrir le Paris des années 1900, les références au milieu artistique, à l'imaginaire (Albert Guillaume) qui devait (quand on s'intéresse à la production de l'époque) envahir la France entière.

    La rencontre avec Luce est aussi très intéressante: elle lui raconte sa fuite, sa rencontre avec un oncle par alliance qui la prend pour maîtresse (le vieux cochon) en l'installant et en la faisant chanter: c'est soit cela soit la misère... Encore une fois le portrait est complexe: Luce, subit ce qui ressemble à des viols (le mot est même écrit) supporte mais profite aussi. Colette en fait même un personnage désagréable puisqu'elle profite de cette richesse nouvelle pour essayer de faire déshériter des proches.

    – C’est pas la même chose… Avant, il m’a fait dîner avec lui, je mourais de faim. Des bonnes choses, Claudine ! Des « ferloties » partout et du champagne. Je ne savais plus ce que je disais après le dîner. Lui, il était rouge comme un coq, mais ne perdait pas la carte. Il m’a proposé carrément : « Ma petite Luce, je m’engage à te loger huit jours, à prévenir ta mère – et de façon qu’elle ne jappe pas – et plus tard à te préparer un joli petit avenir. Mais, à une condition : tu feras ce que je voudrai. Tu m’as l’air de ne pas cracher sur les bonnes choses et d’aimer tes aises ; moi aussi. Si tu es toute neuve, tant mieux pour toi, parce qu’alors je serai gentil avec toi. Si tu as déjà traîné avec des garçons, y a rien de fait ! J’ai mes idées et j’y tiens. »

    – Et puis ?

    – Et puis il m’a emmenée dans sa chambre, une belle chambre rouge.

    – Et puis ? dis-je avidement.

    – Et puis… je ne sais plus, na !

    – Veux-tu une tape pour te faire parler ? – Eh bien, dit Luce en secouant la tête, ce n’est pas si drôle, va…

    – Ah ? Est-ce que ça fait vraiment très mal ?

    – Pour sûr ! J’ai « huché » de toutes mes forces, et puis sa figure toute contre la mienne me faisait chaud, et puis ses jambes poilues me grattaient… Il soufflait, il soufflait ! Comme je « huchais » trop, il m’a dit d’une voix étranglée : « Si tu ne cries pas, je te colle une montre en or demain. » J’ai essayé de ne plus rien dire. Après, j’étais si énervée, je pleurais tout haut. Lui, il m’embrassait les mains et répétait : « Jure-moi que personne d’autre ne t’aura ; j’ai trop de chance, j’ai trop de chance ! » Mais je n’étais pas bien contente !

    – Tu es difficile.

    – Et puis, malgré moi, je songeais pendant ce temps-là au viol d’Ossaire, tu t’en rappelles, ce libraire d’Ossaire, Petitrot, qui avait violé une de ses employées. Nous lisions dans ce temps-là le Moniteur du Fresnois en cachette et nous retenions des phrases par cœur. Ces souvenirs-là, tout de même, ça reparaît mal à propos. – Pas de littérature, conte la suite.

    – La suite ? Dame… Le lendemain matin, de voir ce gros homme dans mon lit, je n’en revenais pas. Il est si laid quand il dort ! Mais il n’a pas été bien méchant jamais, et même, quelquefois, on a de bons moments…

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