• François FURET - Le passé d'une illusion

    Furet a été communiste. historien, il est bien placé pour étudier non seulement le communisme mais surtotu l'idée de communisme. C'est-à-dire comment le communisme a pu se répandre, comment le communisme s'est fondé sur des imaginaires historiques, comment dans le courant de l'histoire il s'est paré des oripeaux de valeurs de façon opportuniste.

    L'idée n'est pas tellement ici d'étudier les auteurs, les courants mais des Zeitgeist qui ont accompagné le communisme depuis le début du siècle.

    L'ouvrage est long, ample. C'est une sorte de panorama du siècle dans lequel Furet tente de comprendre et de faire émerger les forces, les idées qui ont porté cette illusion qu'est le communisme. Pas de scrupules à parler d'illusions tant TOUTES les expériences de communisme à échelle d'un Etat ont échoué et oeuvré dans le sens d'un totalitarisme  ou de l'élimination des opposants aussi neutres aient-ils étés (koulaks)

    Il y a douze chapitre (très amples eux-mêmes) et si les derniers chapitres confondent peut-être trop l'idée de communisme et l'URSS (qui a dominé le sicèle, il est vrai), il ya des chapitres qui me semblent essentiels à se mettre sous la dent.

    Il ya déjà ce premier chapitre qui remet en ordre des éléments que j'avais lu dans d'autres livres à savoir la généalogie avec la ou les révolutions principalement françaises, 1789, 1793 et 1848 surtout... Il aurait aussi peut-être pu nous donner, en histoire des idées, sur les ressemblances avec les religions du livre (eschatologie, sotériologie, mais il est vrai que ce n'est pas le propos.

    Il ya aussi ces deux chapitres sur le rapport entre communisme et fascisme, communisme et anti-fascisme. Pour faire court, c'est la façon dont Furet lit l'émergence de du communisme et du fascisme (nazisme) dans un même moule anti-bourgeois et anti-capitaliste. il relève (et c'est trop peu relevé) combien les communistes de l'URSS et du monde entier se sont satisfaits du pacte Molotov-Ribbentrop et combien chacun de ces régimes ont opéré des mêmes processus dans les pays occupés (déplacements de masse, liquidations massives...)

    Sur le rapport avec l'anti-fascisme, le contexte historique en tant qu'il a (et est encore porteur aujourd'hui) effectué une OPA sur la notion d'anti-fascisme. C'est oublier qu'à l'époque les premiers anti-fascistes étaient De Gaulle et Churchill. A l'époque trois forces s'opposaient: les fascismes, le soviétisme et les démocraties. Le communisme n'a pas eu le monopole de cet anti-fascisme. Il est intéressant aussi de noter combien les communistes, une fois la guerre terminée, ont continué d'agiter cet anti-fascisme face aux démocraties devenues de fait leur seule opposition en usant d'une fausse réthorique faisant du fascisme la stade ultime du capitalisme. Remettre cette question dans le creuset de l'histoire apporte une lumière pertinente sur la façon dont les forces (faibles en nombre) qui crient au fascisme dans nos démocraties (parfois trop policières). Ces forces sont les héritiers dégénérés de cette vision faussée de l'histoire mais qui sert leurs intérêts.

    De Lénine, l'inventeur du totalitarisme, des illusions conduisant les hommes par une anthropologie naïve à leur propre malheur, d'un communisme komintermien au "communisme dans un seul pays", le communisme a traversé le XXème siècle pour se se finir lamentablement. L'URSS appauvrie ne pouvant concurrencer les démocraties libérales, riches s'est vue découpée entre les mains d'une mafia qui fait encore les beaux jours des possesseurs de Datcha.. La Chine elle s'est bien accommodée de l'économie de marché tout en gardant sous coupe les libertés individuelles.

    Et en France?

    • "Le communisme nous a apporté le Front Populaire (c'est oublier qu'il était composé de la SFIO et du Parti Radical) et que cette coalition a échoué à penser le nazisme, à relancer l'économie mais profite d'une image d'Epinal
    • "Il nous a donné la sécurité sociale". C'est oublier que de nombreux pays occidentaux ont aujourd'hui le même niveau de vie que nous, une qualité de vie plus ou moins identique sans parti communiste. 

    Cet essai aurait pu s'appeler "autopsie d'une mythologie", le contenu n'en aurait pas été loin. Le communisme est une idéologie qui a traversé le siècle sans prouver sa valeur pour le moins tout en montrant sa violence dès qu'il était au pouvoir. Finalement, ce qu'il es ressort, c'est cet étonnement renouvelé: comment se fait-il que le communisme n'est pas davantage décrié?

     

    "Dans cette période, l'image du communisme à l'Ouest subit ainsi une évolution contradictoire : au déclin de la mythologie soviétique dans sa version dure correspond une extension de sa version molle. Les temps de l'après-guerre sont révolus, et l'U.R.S.S. a perdu à jamais ce caractère de pays modèle que célébraient dans le monde les partis communistes. Ses partisans sont devenus moins exigeants et se contentent d'un bilan « globalement positif», assorti d'un espoir de lendemains brillants. De là vient qu'à n'être plus que la matrice imparfaite d'un ordre social meilleur le régime soviétique offre moins de prise à ses adversaires, soupçonnés d'appartenir à un âge révolu des passions ·politiques. Tout épuisé qu'il soit, il peut servir plus que jamais de support aux passions anticapitalistes ou anti-impérialistes. Si nul n'est plus contraint, même les communistes, de justifier ou de bénir la moindre de ses actions, l'idée qui lui sert de drapeau s'en trouve plus universellement disponible. Libérée de son obligation d'infaillibilité, la révolution d'Octobre retrouve des traits affadis, mais aussi rajeunis. Ce retour à la promesse d' origine s'opère d'autant plus facilement qu'il croise les penchants politiques des jeunes générations étudiantes, si influentes dans la formation de l'esprit public. Ces générations ont ramené les Droits de l'homme sur le devant de la scène publique, à la place de la lutte des classes. Ce faisant, elles anticipent la fin de l'U.R.S.S., puisqu'elles prétendent soumettre le régime né d'Octobre au tribunal de principes que Marx et Lénine avaient dénoncés comme des mensonges bourgeois. Mais elles ne le savent pas. Ce qu'elles veulent faire est tout différent: elles cherchent à redonner un coup de neuf à l'affrontement des idéologies de l'universel et du particulier, à travers une surenchère d'abstraction démocratique. A ce jeu, les communistes ne sont pas bien placés, puisqu'ils sont à contre-courant de leur doctrine, et que leur bilan, en matière de droits, même tard dans le siècle, reste effrayant. Mais, dans le monde de finalités morales que forme l'universalisme des Droits de l'homme, ils peuvent encore plaider leurs intentions ; ils trouvent un rempart contre leur histoire dans la parenté idéale qui les rattache, quant aux fins, à l'utopie libérale et démocratique. Jusqu'au bout, l'Union soviétique aura abrité son image dans ce qu'elle a voulu détruire. A la veille de l'implosion du régime fondé par Lénine, l'anticommunisme est sans doute plus universellement condamné à l'Ouest qu'aux beaux temps de l'antifascisme victorieux."

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