• Max WEBER - Le savant et le politique

    Max WEBER - Le savant et le politique

    L'ouvrage est précédé de deux préfaces d'Aron qui valent déjà parus elles-mêmes.

    Sinon, je pensais qu'il s'agissait d'un texte articulant le savoir et l'agir, la science et la politique. Hélas, il s'agit en fait de deux conférences séparées; l'une portant sur le savant, l'enseignant, le chercheur et l'autre portant sur le politique, celui qui agit au niveau de l'Etat.

    Malgré tout, de ma place de simple lecteur, l'ouvrage vaut le coup.

    Le texte portant sur "le savant" après avoir énoncé ce qui me semble aujourd'hui des banalités (vocation, compétence) replace la nécessaire neutralité de l'enseignant face à ses élèves. Cette neutralité étant s'imposant à soi parce que le savant ne doit pas devenir un "chef" et aussi parce que la dialectique enseignant/élève est déséquilibrée et qu'en face de lui les élèves ne peuvent pas forcément répondre.

    Le second texte portant sur le politique, après une étude liminaire sur l'évolution des structures étatiques au fil du temps, Max Weber énonce sa fameuse dialectique éthique de responsabilité/étique de conviction. Ecrit en 1919, on sent dans cet ouvrage l'influence politique de l'époque après la révolution en Allemagne marquant la fin de la première guerre mondiale.
    Il y dénonce les penchants totalitaires de l'éthique de conviction:

    "Vous perdrez votre temps à exposer, de la façon la plus persuasive possible, à un syndicaliste convaincu de la vérité de l'éthique de conviction que son action n'aura d'autre effet que celui d'accroître les chances de la réaction, de retarder l'ascension de sa classe et de l'asservir davantage, il ne vous croira pas. Lorsque les conséquences d'un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthique n'attribuera pas la responsabilité à l'agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu qui a créé les hommes ainsi. Au contraire le partisan de l'éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l'homme (car, comme le disait fort justement Fichte, on n'a pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l'homme) et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu'il aura pu les prévoir. Il dira donc : « Ces conséquences sont imputables à ma propre action. » Le partisan de l'éthique de conviction ne se sentira « responsable » que de la nécessité de veiller sur la flamme de la pure doctrine afin qu'elle ne s'éteigne pas, par exemple sur la flamme qui anime la protestation contre l'injustice sociale. Ses actes qui ne peuvent et ne doivent avoir qu'une valeur exemplaire mais qui, considérés du point de vue du but éventuel, sont totalement irrationnels, ne peuvent avoir que cette seule fin : ranimer perpétuellement la flamme de sa conviction."

    On retrouve à travers cela les craintes contemporaines qui, avec l'apparition des SJW, des cancel culture et autres american studies, voient dans ces mouvements qu'une fuite sans fin, que la volonté d'ingénierie sociale. On y voit aussi cette vision de l'homme que présente Aron dans son introduction à la philosophie politique.

    Car dans le monde des réalités nous constatons sans cesse par expérience que le partisan de l'éthique de conviction fait brusquement volte-face pour devenir un prophète millénariste et que les mêmes individus qui, quelques instants auparavant, avaient prêché la doctrine de l'« amour opposé à la force », font justement appel quelques minutes plus tard à cette même force - à l'ultime force qui aboutira à l'anéantissement final de toute violence - à la manière de nos chefs militaires qui proclamaient lors de chaque nouvelle offensive : c'est la dernière, celle qui nous conduit à la victoire et qui nous apportera la paix. Le partisan de l'éthique de conviction ne peut supporter l'irrationalité éthique du monde. Il est un « rationaliste » cosmo-éthique. Ceux d'entre vous qui connaissent Dostoïevski pourront évoquer ici la scène du Grand. Inquisiteur au cours de laquelle ce problème est exposé de façon pertinente. Il n'est pas possible de concilier l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité pas plus qu'il n'est possible de décréter au nom de la morale quelle est la fin qui justifiera tel moyen, si jamais on fait la moindre concession au principe.

    Vous pouvez trouver l'ouvrage ici.

     

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