• Serafin FANJUL - Al-Andalus, l'invention d'un mythe

    Serafin FANJUL - Al-Andalus, l'invention d'un mythe

    C'est au cours d'une soirée, au cours d'une conversation où je devais exprimer les tendances totalisantes des religions et mon doute quant à la coexistence pacifique des religions qu'un ami d'alors m'avait rétorqué qu'en Andalousie, à l'époque arabo-andalouse une telle période -justement- avait eu lieu, qu'un paradis sur terre avait existé. J'avais dû juste exprimer un doute raisonnable n'ayant rien à rétorquer de précis. Cela m'était resté dans la tête et ce n'est que récemment que j'ai pu mettre la main sur cet ouvrage pour pouvoir rétorquer de façon uchronique à cet ancien ami.

    L'ouvrage de Serafin FANJUL est un ouvrage "contre". C'est un ouvrage qui vient s'intégrer à un débat propre à l'Espagne: à savoir la place du monde arabo-andalou dans l'histoire de leur pays.

    FANJUL est d'ailleurs assez belliqueux dans son propos n'hésitant pas à dénigrer certaines personnes. Pourquoi un tel énervement? Pourquoi un tel manque de neutralité axiologique? Eh bien tout simplement parce qu'il y a des enjeux politiques derrière ce mythe.

    Pourquoi un mythe d'ailleurs? Construit au XIXème siècle par goût de l'exotisme (mais pas de l'histoire), ce mythe a été réactualisé depuis les années 80 en réaction au national-catholicisme de Franco lors de la Movida. Il fallait trouver un contre-poids à la construction identitaire de l'Espagne et ce contre-poids a été trouvé dans El-Andalus, monde merveilleux de concorde et de paix entre les religions.

    Etait-ce le cas d'ailleurs? La réponse intuitive de prime abord est bien sûr la bonne. Les religions autres que l'Islam étaient sous "protectorat". C'est la dhimmi.

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    Des représailles ont existé. Les droits des autres croyants étaient bien sûr inférieurs...

    Pour en revenir à l'ouvrage et quitter la discussion qui n'aura jamais lieu, il traite de nombreuses questions que nous, Français, pourrions trouver étranges:

    • Les Maures ont-ils apporté le flamenco?
    • gitans et morisques 
    • les morisques étaient-ils espagnols?
    • les morisques et l'Amérique
    • les traces de l'arabe dans la langue espagnole

    Car les questions qui débordent de cet ouvrage sont multiples et pourraient ressembler, selon d'autres modalités, à d'autres questions qui se posent en France. Nous sentons que cette "idéalisation d'Al-Andalus" est un phénomène non pas historique mais politique. Quand on reste sur le plan de l'histoire, il paraît assez évident que Al-Andalus a été une période circonscrite dans le temps, variable sur le plan géographique, mêlant ambitions religieuses, territoriales, luttes de pouvoirs entre peuples, comme partout ailleurs et que ce n'était pas le paradis perdu que certains voudraient y voir. Paradis perdu écrasé, bien-sûr, par les catholiques, cette engeance démoniaque.  Ce n'est d'ailleurs pas non plus -semble-t-il- une influence décisive dans la culture espagnole (compliqué d'ailleurs cette notion de "culture espagnole").

    Je manque de cette culture pour appréhender nombre de notions (les Wisigoths, les différents rois, toutes les périodes) cependant la comparaison avec la France m'est venue immédiatement à l'esprit. En France, tout comme en Espagne, il y aurait eu une sorte de faute originelle (la colonisation, la reconquista) sur laquelle il faudrait revenir en permanence quitte à refaire l'histoire ou des anachronismes. Une forme de manipulation des épisodes historiques pour les faire devenir des objets politiques, quitte à polariser les positions ou à qualifier des historiens sérieux des personnes d'extrême-droite.

    Surprenant comment finalement des épisodes contraires (colonisation arabe en Espagne et colonisation européenne au Maghreb) amènent des débats quasiment identitaires et des reproches constants formulés à l'encontre des pays qui manqueraient de reconnaissance pour la culture arabo-musulmane.

    Si vous souhaitez compléter, vous pouvez écouter ceci (France culture)

     

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