Il lui paraît logique que l'embolie laisse des traces dans le cerveau. Mais alors, pourquoi bien avant d'entrer à l'hôpital, et alors qu'il était de plein pied dans la vie, lui arrivait-il le soir, au fond de son lit, de courir après les mêmes ombres?

René Maugras, patron de presse âgé de 54 ans qui a gravi les échelons un à un fait une embolie cérébrale un soir, alors qu'il est réuni comme à son habitude avec des amis hauts placés comme lui. Il se réveille piégé dans son corps, hémiplégique.

Ce récit est celui de sa rééducation, sorte de huis-clos dans sa chambre accompagné d'une infirmière. Il est quelque part soulagé de son état. C'est le temps d'une pause, d'un retour en arrière, d'un regard sur son passé, ses rencontres, ses mariages, ce qui l'a amené ici.

Prisonnier d'une vie, d'une trajectoire, son embolie est l'occasion d'une pause qui semble bienfaitrice lui permettant enfin de regarder le jardin de l'hôpital de sa fenêtre, de regarder l'infirmière qui dort, de contempler sa vie. C'est certainement la seule occasion qu'il pouvait avoir de prendre -enfin- son temps.

Simenon n'a pas ce que nous pourrions appeler une belle écriture, ce n'est pas un prosateur, un poète. La langue ne semble pas faite pour soutenir son propos. Il ne s'y perd pas. Par contre, sa grande force c'est la retenue qu'il peut mettre dans ses personnages (ici son personnage principal) et la grande maturité avec laquelle il regarde la vie. En une économie de mots, dans une langue quotidienne, Simenon réussit le tour de force de donner une grande intensité à son personnage, sans exubérance, sans flonflons, sans envolées. C'est une sorte de monologue intime et plein de pudeur.