Finalement, on a une vision erronnée de nombre de "grands" romans, monuments de la littérature. Nous devrions toujours revenir aux sources afin que notre vue ne soit pas encombrée des filtres, des interprétations, des "on dit", des adaptations et des clichés. (Je n'ai d'ailleurs vu aucun des films inspirés par le roman)

Pour moi, l"amant de Lady Chaterley, c'était un roman sulfureux, où une noblesse de province qui s'ennuie découvre les charmes de la rusticité érectile. 
Ce serait fait fi des 500 pages du roman, du contexte social, et de la complexité des personnages et de leur corps.

Lady Chatterley aurait pu être délaissée par un mari falot, mais non. Constance revoit son mari revenir de la guerre paraplégique, en incapactié donc de subvenir à ses besoins physiologiques. Elle pourrait être issue d'une famille qui l'aurait élevée dans une rigueur qui l'aurait ensuite fait plonger par réaction dans le stupre. Pourtant son père l'a laissée vivre ses expériences jugeant bon qu'elle apprenne à se connaître.

Car, oui, c'est vrai il y est question de sexe. C'est l'élément scandaleux. C'est assez cru par moments (pour 1928). C'est vulgaire au sens réaliste. On est cependant au-delà de Zola qui ne ne parle pas vraiment des relations sexuelles, ou qui les utilise comme une mécanique de ses personnages. Lawrence, lui n'hésite pas à décrire de façon continue la sexualité comme une force de la relation entre les deux personnages, véritable lien intime et familier. C'est un élément de l'équation du désir, et il n'en fait pas ellipse (loin de là...)

Dans son avant propos, nous avons le coeur de son discours: " Maintenant, il faut nous rattraper le temps perdu et mettre en harmonie la conscience de nos sensations corporelles avec ces sensations elles-mêmes, la conscience de l'acte avec l'acte lui-même, et les faire vivre en bonne intelligence. Cela ne saurait aller sans un respect convenable pour la sexualité, sans une crainte convenable pour l'étrange expérience du corps; cela ne saurait aller sans le libre usage de mots prétendus obscènes, parce que ces mots font naturellement partie de la conscience que l'esprit a du corps".

Ce n'est donc pas un roman qui se veut juste licencieux. Le corps a une place réelle dans le discours et la relation entre Lady Chatterley et son garde-chasse.

Ajoutez un contexte social (mines de charbon), un garde-chasse duel, des relations de classe qui sont des métaphores du temps et vous aurez un roman complet, qui se termine de façon imprévisible (en tout cas me concernant).
Il y a certes des généralités sur les différences entre les sexes, mais cela ne gêne pas le propos.

La fin de l'avant propos est toujours d'actualité:
"En contraste avec le puritanisme qui dit: "Chut!" et qui produit l'imbécile sexuel, nous trouvons la jeune personne dans le train, émancipée et avancée, qui n'écoute aucun "chut" qui "fait ce qui lui plaît"...Loin de craindre le corps et d'en nier l'existence, les jeunes gens avancés vont à l'autre extrême et le traitent comme une sorte de jouet bon pour qu'on s'en amuse; un jouet vaguement déplaisant, mais dont on peut tirer un peu d'amusement avant qu'il vous abandonne. Ces jeunes gens se moquent de l'importance de la sexualité, la traitent comme un cocktail et s'en servent pour railler leurs aînés[...]Mais peut-être que la mentalité d'un garçon de quatorze ans, qui garde un peu de respect habituel et de peur convenable pour les choses sexuelles, et plus saine que la mentalité de la personne à cocktails qui ne respecte rien et n'a rien d'autre à faire, pour s'occuper l'esprit, qu'à jouer avec les jouets de la vie, et particulièrement avec l'amour, et qui perd son esprit au cours de ce jeu!"

[Certains l'ont lu?]