• « Le socialisme est religion dans la mesure même où il est antireligion. S'il nie l’au-delà, il ramène sur la terre certaines des espérances que, naguère, les croyances transcendantes avaient seules la vertu d'éveiller. Je propose d'appeler « religions séculières » les doctrines qui prennent dans les âmes de nos contemporains la place de la foi évanouie et situent ici-bas, dans le lointain de l'avenir, sous la forme d'un ordre social à créer, le salut de l'humanité.« À la formule des religions séculières, on ne manquera pas d'adresser une objection : est-il légitime de parler de religion séculière alors que manque le objet transcendant ou du moins sacré vers quoi monte la prière et l'amour ? Nous ne nierons pas qu'au regard du chrétien ou même plus généralement aux yeux de quiconque définit la religion par l'intentionnalité propre du sentiment qu'elle inspire, les religions séculières méritent malaisément le titre de religion : à peine en seraient-elles des substitut ou des caricatures. Mais de diverses manières, il paraît possible de justifier le rapprochement. Le psychologue ou le sociologue nous diront : « On n’est pas religieux seulement quand on adore une divinité mais quand on met toutes les ressources de son esprit, toutes les soumissions de sa volonté, toutes les ardeurs du fanatisme au service d'une cause ou d'un être devenu le but et la fin des sentiments et des actions. » Or, c'est un fait que les religions séculières sont susceptibles de convertir les âmes aux mêmes dévouements, à la même intransigeance, à la même ferveur inconditionnée que les croyances religieuses aux époques de leur plus impérieux et universel ascendant.« Isolé, cet argument demeure sans grande portée. Car, dans cette direction, on finirait par appeler religion toute doctrine qui soulève des passions ardentes et, du même coup, nourrit l'intolérance et les violences de la foi. Or, il me paraît que certaines doctrines de notre temps méritent le qualificatif de religions séculières en un sens plus précis.« Ces doctrines fixent le but dernier, quasiment sacré, par rapport auquel se définissent le bien et le mal. Quand un mouvement comme celui de la Deutsch Glaubens-Bewegung professe : « Tout ce qui est utile à Hitler et à la communauté allemande est bon, tout ce qui leur est nuisible est mauvais », il ne fait rien de plus qu’amener à la clarté brutale de l'expression articulée le fond commun des religions séculières et l'origine de leur impitoyable machiavélisme. Religions de salut collectif, elles ne connaissent rien - pas même les dix commandements, pas même les règles du catéchisme ou d'une morale formelle - qui soit supérieur, en dignité ou en autorité, à l'objectif de leur mouvement. Dès lors, les hommes et les chose, les pensées et les actes, sont rapportés à ce terme ultime et l'utilité par rapport à lui est la mesure de la valeur même spirituelle. Le zélateur de ces religions, sans même que sa bonne conscience soit troublé, mettra en œuvre tous les moyens, si horribles soient-il, puisque rien ne saurait compromettre la sanctification par le but. En d'autres termes, si la religion a pour fonction de poser les valeurs les plus hautes qui donne à l'existence humaine son orientation, comment nier que les doctrine politique de notre temps ne soient d'essence religieuse ?« Enfin, dans leur structure même, ces doctrines reproduisent certains des traits caractéristiques des dogmes anciens. Elles aussi donnent une interprétation globale du monde (au moins du monde historique). Elles expliquent le sens des catastrophes que traverse l’humanité malheureuse, elles laissent apercevoir, au loin, l'aboutissement de ces tragiques épreuves. Dès maintenant elles assurent, dans la communauté fraternelle du parti, l'anticipation de la communauté future de l'humanité sauvée. Elles exigent des sacrifices qui, dans l'instant même, sont payés : elles arrachent l'individu à la solitude des foules sans âme et de sa vie sans espoir. »
     
    Raymond Aron, « L’Avenir des religions séculières » in La France libre, Londres, juillet 1944.

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  • "Rien de plus dangereux qu’une idée générale dans des cerveaux étroits et vides : comme ils sont vides, elle n’y rencontre aucun savoir qui lui fasse obstacle ; comme ils sont étroits, elle ne tarde pas à les occuper tout entier. Dès lors ils ne s’appartiennent plus, ils sont maîtrisés par elle ; elle agit en eux, et par eux ; au sens propre du mot, l’homme est possédé."

     

    Hippolyte Taine, 1884


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  • « Il est plus important que l'innocence soit protégée que la culpabilité soit punie, car la culpabilité et les crimes sont si fréquents dans ce monde qu'ils ne peuvent pas tous être punis. Mais si l'innocence elle-même est citée à comparaître et condamnée, peut-être à mort, alors le citoyen dira : “Que je fasse le bien ou le mal est sans importance, car l'innocence elle-même n'est pas une protection”, et si une telle idée s'imposait dans son esprit, alors ce serait la fin de toute forme de sécurité. »

     

    John Adams


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  • Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.

    Arthur C. Clarke

    Arthur C. Clarke - Wikipedia


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  • « La passion révolutionnaire veut que tout soit politique : par où elle entend à la fois que tout est dans l'histoire, à commencer par l'homme, et que tout peut être gagné avec une société bonne, à condition de la fonder. Or la société moderne se caractérise par un déficit du politique par rapport à l'existence individuelle privée. Elle ignore l'idée du bien commun, puisque tous les hommes qui la composent, plongés dans le relatif, ont chacun la leur ; elle ne peut la penser qu'à travers le goût du bien-être, qui divise les associés plus qu'il ne les unit, et détruit de ce fait la communauté qu'on prétendait construire en son nom. L'idée révolutionnaire est l'impossible conjuration de ce malheur. »

     

    Furet, François. « Le Passé d'une illusion. »


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