• Umberto Eco - Le Nom de la rose

    Umberto Eco - Le Nom de la rose

    Trouvé dans la boîte à livres en bas. C'est l'occasion.

    Le problème du départ, c'est que j'ai vu le film il y a longtemps et que je m'en souvenais plutôt bien... (D'ailleurs, le film est plutôt fidèle au roman)

    Passé cela. C'est un bon roman, mélange de roman historique, de roman policier (un des personnages principaux se nomme Guillaume de Baskerville) qui vaut le détour tant par l'ambiance médiévale réussie que par les tenants et les aboutissants de la situation. Umberto Eco, sémiologue, médiéviste réussit à évoquer les grands problèmes du monde spirituel et temporel de l'époque. C'est l'occasion de parler de la pauvreté du Christ et de la manière dont les ordres (bénédictins ou mendiants) se combattent tant dans l'espace séculier que dans la politique religieuse, l'église vivant la crise des deux papes. C'est un XIV siècle vivant qui se meut sous nos yeux.

    le roman est habilement divisé en sept jours. Les jours sont également divisés selon les heures monastiques (Laudes, Tierce, Sexte...) permettant de vivre la lumière hivernale de cette abbaye de montagne.

    A noter, la trace forte avec l'imaginaire du labyrinthe (imaginaire, antique, médiéval et contemporain: on pense à Borges).

    Il y est question de l'amour, des hérésies, de la pauvreté, du rire, de l'orgueil, de la rhétorique, du raisonnement. Ce sont à la fois des thèmes religieux et philosophiques qui dépassent le simple cadre du catholicisme.

    Néanmoins, je suis content, pour profiter pleinement du roman d'avoir une culture du Moyen-Âge (merci Duby, merci Le Goff et autres) pour comprendre du roman Ne me manque que la maîtrise du latin. (il y a nombre de citations en latin) qui n'empêche en rien à la compréhension. Ces citations apportent d'ailleurs de la chair à ce Moyen-Âge.

    A la fin de cette édition se trouve un retour (une apostille) d'un cinquantaine de pages de Umberto Eco sur son oeuvre.

     

    De la pureté en politique: (et je pense fortement à la planification et à l'historicisme et la notion de nécessité):
    Cette partie, est un aveu d'un hérétique devant un inquisiteur (Bernard Gui qui est un personnage historique)

    « — Et nous avons incendié et saccagé parce que nous avions élu la pauvreté comme loi universelle et nous avions le droit de nous approprier la richesse illégitime des autres, et nous voulions frapper au coeur la trame d’avidité qui se tissait de paroisse en paroisse, mais nous n’avons jamais saccagé pour posséder, ni tué pour saccager, nous tuions pour châtier, pour purifier les impurs à travers le sang, peut-être étions-nous pris d’un désir démesuré de justice, on pèche aussi par excès d’amour de Dieu, par surabondance de perfection, nous étions la vraie congrégation spirituelle envoyée par le Seigneur et réservée à la gloire des temps derniers, nous cherchions notre place au paradis en devançant les temps de votre destruction, nous seuls étions les apôtres de Christ, tous les autres avaient trahi, et Gérard Segalelli avait été une plante divine, planta Dei pullulans in radice fidei, notre règle nous venait directement de Dieu, non pas de vous chiens damnés, prêcheurs de mensonges qui épandez autour de vous l’odeur du soufre et pas celle de l’encens, chiens vils charognes putrides, busards, serfs de la putain d’Avignon, promis que vous êtes à la perdition ! Naguère j’avais la foi, et notre corps aussi s’était racheté, et nous étions l’épée du Seigneur, il fallait pourtant tuer des innocents pour pouvoir tous vous tuer au plus vite. Nous voulions un monde meilleur, de paix et de courtoisie, et le bonheur pour tous, nous voulions tuer la guerre que vous répandiez avec votre avidité, pourquoi nous faire des reproches si pour établir la justice et le bonheur nous avons dû verser un peu de sang… c’est… c’est qu’il s’en fallait de peu, nous devions faire vite, et cela valait bien la peine de teinter de rouge toute l’eau du Carnasco, ce jour-là à Stavello, c’était aussi notre sang, nous ne nous épargnions pas, sang à nous et sang à vous, tant et tant, tout de suite de suite, les temps de la prophétie de Dolcino pressaient, il fallait hâter le cours des événements… »

    Il tremblait des pieds à la tête, il se passait les mains sur son habit comme s’il voulait les blanchir du sang « nous ne nous épargnions pas, sang à nous et sang à vous, tant et tant, tout de suite de suite, les temps de la prophétie de Dolcino pressaient, il fallait hâter le cours des événements… »

    Il tremblait des pieds à la tête, il se passait les mains sur son habit comme s’il voulait les blanchir du sang qu’il évoquait. « Le glouton est redevenu un pur, me dit Guillaume.

    — Mais c’est cela la pureté ? demandai-je horrifié.

    — Il en existera aussi d’une autre espèce, dit Guillaume, pourtant, quelle qu’elle soit, elle me fait toujours peur.

    — Qu’est-ce qui vous effraie le plus dans la pureté ? demandai-je.

    — La hâte », répondit Guillaume. »

     

     

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