• Puisque je travaille aussi en collège, j'ai accès à de chouettes documents.
    Là, j'ai entouré un truc qui m'a fait bondir (pas vraiment en fait, parce qu'on était en réunion pleinière et que ça aurait fait mauvais genre) Mais, considérez que j 'ai bondi à l'intérieur.

    En gros, l'Académie veut que nos élèves soient mobiles. C'est-à-dire? Mobiles dans leur esprit? Il faut que nous les formions afin que leur capacité à faire des liens fasse d'eux des individus non rigides capables de souplesse cognitive?
    En fait, cela ressemble étrangement aux imprécations d'un certain patronat qui depuis des années ne cesse de marteler que le travailleur de demain sera celui-qui à la fois osera la mobilité géogaphique afin de chercher (et bien sûr trouver, ah ah ah) l'emploi dans les bassins dynamiques afin de ne pas être prisonnier d'une région sinistrée et qui pourra aussi, au cours de sa carrière, oser changer de métier afin de s'adapter aux exigences d'un marché du travail qui sera instable.

    Cela pose différents problèmes.
    Premièrement, on sent bien et cela depuis des années que l'école (le secondaire ici) est une des articulations du monde du travail et qu'au lieu de chercher à former des esprits aux compétences élargies et qui seraient capables de s'adapter à un monde complexe sur des bases de savoirs de qualité, scientifiques, techinques ou d'humanités, elle préfère "préparer" (et donc elle valide en même temps) les élèves à un monde modelé par les mains du capitalisme actionnarial triomphant. L'élève devra être le travailleur soumis au monde incofortable qui nous a été façonné par les délocalisations, les obsolescences d'emploi, les contrats qui seront de plus en plus précaires, obligeant nos enfants à être les victimes consentantes et compétentes de la mobilité...
    Deuxièmement, plus prosaïque, comment devenir proriétaire d'un foncier, lorsque l'emploi (ou la chômage) sera mobile. La propriété de son logement a toujours été une sécurisation de sa propre vie, capital raisonnable à sa propre disposition en cas de coup dur. Il sera de plus en plus difficile à ceux qui n'ont pas d'héritage de devenir propriétaire quand on les obligera à la mobilité. Ou pour les plus chanceux(?), ils seront propritaires d'un crédit à vie.
    Troisièmement. S'agit-il d'une volonté de transformer l'éthos humain? L'homme a toujours cherché la stabilité (hors nomades, mais ceux-ci trouvent leur stabilité dans le groupe). La stabilité est la sécurité depuis...En gros, ici une volonté est affichée de déconstruire ce qui rend la vie confortable, acceptable.

    Est-ce le rôle des enseignants de préparer à ce que sera la vie? Certes. Mais la vie est aussi ce que nous en faisons et je ne pense pas que préparer des élèves à l'instabilité pour en faire de la chair à capital soit notre mission.
    Quant à ceux qui ne pourront pas être mobiles. il leur restera le RSA et la télévision.

    « Agnès Roche - Des vies de pauvres »

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