• Franz KAFKA - Le Château

    Franz KAFKA - Le Château

    J'ai enfin lu et terminé ce roman. C'était une lecture échouée lorsque j'avais une vingtaine d'années. Pourquoi l'avais-je arrêtée cette lecture? Je ne me souviens pas. De l'ennui peut-être.

    En tout cas, cette fois-ci j'ai terminé ce roman inachevé.

    K. arpenteur doit se rendre dans un château où il a semble-t-il été embauché. Mais une fois sur place, apparemment on n'a pas besoin de lui.

    Le début du roman est assez incroyable.

    Là-haut, le Château, déjà étrangement sombre, que K. avait espéré atteindre dans la journée, recommençait à s’éloigner. Mais, comme pour saluer K., à l’occasion de ce provisoire adieu, le Château fit retentir un son de cloche, un son ailé, un son joyeux, qui faisait trembler l’âme un instant : on eût dit – car il avait aussi un accent douloureux – qu’il vous menaçait de l’accomplissement des choses que votre cœur souhaitait obscurément. Puis la grande cloche se tut bientôt, relayée par une petite qui sonnait faible et monotone, peut-être là-haut elle aussi, peut-être au village déjà. Ce drelindin convenait d’ailleurs mieux au lent voyage que faisait K. en compagnie de ce voiturier miteux mais inexorable.

    On est quasiment dans le registre du fantastique. Le château que nous ne verrons que de loin est inaccessible. On ne semble pas pouvoir s'y rendre. Alors que K. s'y rend, les journées semblent alors ralentir.

    Mais le château est un prétexte. Le château est l'inaccessible par essence. L'histoire va se dérouler dans le village en contrebas.

    K. poursuivit son chemin, les yeux braqués sur le Château ; rien d’autre ne l’inquiétait. Mais en se rapprochant il fut déçu ; ce Château n’était après tout qu’une petite ville misérable, un ramassis de bicoques villageoises que rien ne distinguait, sinon, si l’on voulait, qu’elles étaient toutes de pierre, mais le crépi semblait parti depuis longtemps et cette pierre semblait s’effriter. Un souvenir fugitif vint frapper l’esprit de K… : il songea à sa ville natale. Elle le cédait à peine à ce prétendu Château ; si K. n’était venu que pour le voir, ç’aurait été un voyage perdu et il aurait mieux fait d’aller revoir sa patrie où il n’était plus retourné depuis si longtemps. Il comparait en pensée le clocher de son village avec la tour qui se dressait là-haut. Celle du clocher, sûre d’elle, montait tout droit sans une hésitation et se rajeunissait en haut, terminée par un large toit qui la couvrait de tuiles rouges ; c’était un bâtiment terrestre, bien sûr, – que pouvons-nous construire d’autre ? – mais qui plaçait son but plus haut que le plat ramassis des petites maisons et qui prenait une expression plus lumineuse au-dessus des tristes jours et du travail quotidien.

    Il va s'y confronter aux villageois pris dans une logique inconnue, administrative. Le lecteur peut se dire au début que Kafka avait l'idée de placer des enfants dans des situations qui les dépassent tant les personnages semblaient jouer, jouer des rôles d'adultes dont ils ne semblaient pas comprendre la portée. Mais la présence à de multiples reprises de termes liés à l'enfance nous font éliminer cet hypothèse.

    Il y a bien sûr de l'absurde chez Kafka, c'est presque inutile de le dire, une forme de nihilisme, d'incompréhension du monde. K. est l'ingénu qui débarque en terre étrangère et qui nous fait découvrir un logique autre, dévoilant les antimécanismes du monde.

    On comprend dans l'explication de Max Brod à la fin de l'ouvrage la portée philosophique du château, philosophie rattachée à Kierkegaard apparemment. Ce château à jamais inaccessible, l'impossible compréhension du monde, la solitude de l'être nous donnant peut-être aussi à comprendre de Franz Kafka.

    C'est parfois pénible à lire. je pense entre autres au chapitre XIV et l'épisode d'Amalia. Long chapitre qui détaille à l'extrême la déchéance sociale de la famille de Barnabé. Longue litanie d'explications. Mais ce principe de la litanie met certainement en valeur l'extrême sens caché derrière ce qui peut apparaître comme absurde. Une sorte d'indétermination expliquée rendant malgré tout insensé cet épisode raconté.

    Au-delà de l'intention première de Kafka, je peux comprendre la manière dont le roman attire encore et peut-être au-delà de ceux qui l'ont lu. Les interprétations peuvent être multiples (et ne peuvent se limiter à la simple image du château) : l'articulation de l'absurde par les règles en arcane rendant l'étranger incapable de s'inscrire dans la logique et surtout la forme administrative de cette absurdité inscrit le roman dans une continuité des sociétés complexes, exprimant l'incompréhension des fonctions des uns, les pouvoir des autres, pouvoir concret ou symbolique, imposant ordres, erreurs au nom d'une évidence qui serait intrinsèque et rendant inhumaine cette organisation humaine et la manière dont nous pouvons la légitimer.

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