• Jan T. GROSS - La peur

    Jan T. GROSS - La peur

     

    Parfois, dans les lectures, à force de croiser les auteurs et les problématiques, on finit par faire des liens.

    Il s’agit à la fois du « Juif errant est arrivé » d’Albert Londres (1930) qui a écrit à propos de la Pologne:

     

    « Parce que le gouvernement polonais n’a plus de force dès qu’il s’agit de résoudre les questions juives, la haine héréditaire de la nation emportant tout.

    Les Juifs de Pologne sont revenus aux plus mauvaises heures de leur captivité. »

     

    Ou encore :

     

    « Haine sur eux en Pologne, haine sur eux en Roumanie. Haine solide qui les recouvre comme d’une dalle... à perpétuité ! »

     

     

    Ou il s’agit d’une page de Mauss d’Art Spiegelman sur le retour des juifs chez eux après la libération des camps.

     

    Jan T. GROSS - La peur

    Jan T. GROSS - La peur

     

    Ou il s’agit d’un extrait de Browning sur le bataillon 101 : « des hommes ordinaires » (cité d'ailleurs dans le livre)

     

    « La litanie des accusations allemandes contre les Polonais commence, comme la série de meurtres en masse elle-même, par le récit de Jozefow. Selon un policier, le maire polonais a offert aux Allemands des bouteilles de schnaps sur la place du marché. À en croire d’autres, des Polonais ont aidé à chasser les Juifs de leurs maisons et ont révélé des caches aménagées dans les jardins ou derrière des cloisons amovibles. Même après que les Allemands ont mis fin au ratissage, des Polonais ont continué d’amener des Juifs sur la place du marché tout au long de l’après-midi. Aussitôt les Juifs emmenés, ils ont pillé les maisons ; aussitôt les Juifs fusillés, ils ont pillé les cadavres »

     

     

    Jan T. GROSS est connu en Pologne. Une loi porte presque son nom puisque l’Etat polonais a cherché à faire taire ce que soulevaient certains historiens.

    https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/06/27/la-pologne-recule-sur-sa-loi-controversee-sur-la-shoah_5322024_3214.html

     

    Le travail de GROSS porte sur la question de la responsabilité des Polonais dans la Shoah et sur l’après-shoah.

    A savoir que le premier livre  de Gross traitait d’un massacre de juifs datant de 1941 perpétré par des Polonais et non des nazis.

     

    Dans le livre « La peur », l’auteur décortique un massacre qui a eu lieu le 4 juillet 1946.

    Plus d’un an après la fin de la guerre, des Polonais ont massacré, sur une rumeur (l’enlèvement d’un enfant catholique pour réaliser un meurtre rituel en vu de réaliser du pain azyme), environ 40 juifs à Kielce et plus de 80 en tout si l’on compte les autres juifs tués sur la même rumeur tout le long de la voie ferrée qui passe par Kielce.

     

    Ce massacre est d’autant plus pertinent pour Gross qu’il est significatif de l’antisémitisme latent des Polonais de l ‘époque, chevillé à leur corps…

    Les autorités n’ont rien fait, les passants s’y sont mêlés, les biens volés. Tout cela s’est avec une bonne conscience effarante aujourd’hui en 2019 lorsque l’on est français.

     

    Il n’y eut donc pas les méchants nazis et les gentils polonais écrasés enter le régime hitlérien puis stalinien. Mais il y eut un peuple pétri de haine envers les juifs qui s’est servi des rapports de force pour laisser libre cours à leur violence envers les autres, les juifs.

     

     

    Pour étayer sa thèse, GROSS étudie la période mais aussi plus précisément la manière dont les biens des juifs, leur magasin, leur position sociale ont été confisqués et par et les Polonais et par l’Etat alors qu’ils étaient déportés.

     

    Une fois le massacre décrit, il étudie les réactions de l’Etat polonais ou de l’église polonaise. A savoir qu’ils ont minimisé ou empêché une quelconque critique.

    Quelques participants au massacre vont être condamnés à mort mais aujourd’hui encore certains survivants minimisent ce qui s’est passé.

     

    Après la guerre, l’ambiance était tellement agressive envers les juifs, que nombre de ceux qui survécurent au camp ou qui revinrent d’URSS préférèrent partir en Palestine.

    Les Polonais qui avaient caché des juifs demandèrent à ce que les survivants se taisent de peur des représailles. (Dans les « justes parmi les nations », les Polonais sont les plus nombreux)

     

    La démonstration de GROSS est d’une efficacité redoutable mettant en lumière un antisémitisme culturel très important faisant du peuple polonais à la fois un peuple  martyr et un peuple tyran envers les juifs.

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