• Nicolas Werth - L'île aux cannibales

    Nicolas Werth - L'île aux cannibales

    Ceci n'est pas un roman d'horreur. C'est un récit historique qui retrace un des épisodes de la dékoulakisation qui a eu lieu en 1933 en Russie.

    On retouve des traces de Popper quand il dénonce l'historicisme, , Nicolas Werth a dû le lire d'ailleurs quand il dit: "Ces objectifs s'appuyaient sur la conviction que le nouvel État, parce qu'il était fondé sur la connaissance scientifique et la maîtrise des lois du développement historique des sociétés, était en mesure de modeler celles-ci, d'en exciser les éléments hostiles, parasites ou nuisibles "polluant" la nouvelle société socialiste en tain de s'édifier"

    Dans les années 30, Staline décide dans un mélange d'hygiénisme, de rééducation par le travail d'envoyer dans des territoires comme la Sibérie les "éléments contre-révolutionnaires, parasitiques et déclassés". une fois là-bas, ils devaient coloniser les lieux et devenir autonomes poru la gradeur de l'URSS.

    Dans une démarche de purification sociale, des rafles eurent lieu emportant aveuglément des personnes n'ayant rien à voir les uns avec les autres: koulaks, gens de passage dans les gares, déclassés, délinquants, personnes raflées par le principe de la passeportisation (les citadins devaient avoir leur passeport sinon ils étaient arrêtés). (En 1917, ce genre de papier d'identité était d'ailleurs rejeté, étant considéré comme un héritage du Tsar pour être réhabilité en 1928 pour mieux contrôler la population.) Qui plus est ces personnes étaient emmenées ainsi que leur famille.

    Ce livre montre aussi la bureaucratie délirante de l'URSS. Les ordres sont donnés, loin d'une quelconque évaluation, puis transmis vers les échelons inférieurs qui ne peuvent les critiquer. S'ensuivent des mouvements de zèle qui emballent les mouvements déplaçant des miliers d'hommes sans s'être assurés que les (petits) préparatifs sont effectivement en place. Les hommes sont réduits à des chiffres, chiffres à la hauteur de l'enjeu grandiose du stalinisme dont les bureaucrates sont les engrenages obéissants. Les matériels devant être mis à disposition de ces colons désignés sont négociés à la baisse.

    Et ces personnes vont donc être déplacées (beaucoup mourront dans les transports) en dépit de toute préparation dans des lieux inhabitables, laissés à eux-mêmes, sans four pour cuire le peu de farine qui leur est laissé. Les maladies se mêlent à tout cela. Des épisodes d'anthropophagie ont lieu sur le site de l'île de Nazila. Les morts se comptent par centaines de milliers (de faim, de froid, de maladie)...

    Ce qui est surprenant, c'est que dans cette société bureaucratique, les documents prouvent les dysfonctionnements. Les rapports sont nombreux, les traces également. Ce n'est pas caché, l'information circule même bientôt. les responsables sont plus ou moins châtiés mais ce qui en ressort, c'est que l'enjeu d'une société nouvelle dépasse les quelques dysfonctionnements. Ceux-ci sont minimisés. D'ailleurs, l'épuration sociale continuera sous d'autres formes jusqu'en 1937-38.

    C'est saisissant. C'est le premier livre que je lis sur les massacres perpétrés en URSS. L'épuration n'est pas ethnique mais sociale mais toujours professée au nom du bien du plus grand nombre.

    La langue est claire et l'essai très bien organisé.

    [Y'en a qui ont lu ou qui connaissent?]

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