• Science-fiction soviétique

    Science-fiction soviétique

    En toute honnêteté, je crois ne l'avoir lu (alors que c'est Claire qui a motivé son achat) que pour une certaine curiosité politique et peut-être aussi pour la blague puisque je savais que la meilleure nouvelle de science-fiction communiste, le manifeste du parti communiste n'était pas dans le recueil. Mais on me dira que c'est peut-être dans une anthologie de la littérature utopique...

    Pas grand chose à se mettre sous la dent dans cette anthologie. Des individus sont confrontés à des nouvelles technologies, des espoirs et craintes qui y sont liées. On y trouve des prénoms russes qui donnent une ambiance russe mais rien de soviétique Comme le dit la quatrième de couverture, "chez eux l'optimisme est le corollaire de l'inquiétude." Mais je n'y ai rien vu de spécifiquement soviétique.

    Rien si ce n'est la dernière nouvelle. Il faut attendre la troisième partie de la troisième nouvelle pour enfin lire une grille de lecture. LA nouvelle, c'est la ballade des étoiles de Altov et Jouravleva. Et ce qui est entre autres étonnant, c'est que cette nouvelle date de 1960, d'une époque où le lyrisme et les illusions soviétiques étaient depuis longtemps amoindris.

    Car dans cette nouvelle qui début plut^to pas mal avec une forme de conquête de l'espace. Le préambule est même plutôt pas mal:

    "c'était au temps où les hommes commençaient à frayer les routes du Monde Stellaire. L'appel des étoiles était plus fort que l'attirance séculaire de la mer. Les iononefs quittaient la Terre et les uns après les autres  et le vent enivrant de la découverte les poussait vers les astres [...]"

    Un de ces explorateurs raconte comment après des péripéties il a découvert une race nouvelle, des humanoïdes à moitié transparents (pour s'adapter à leur environnement propre.

    Et c'est vraiment dans ce chapitre qu'on peut y lire une spécificité soviétique faite d'illusion, de croyance en une eschatologie, un progrès continu et un droit de l'homme soviétique à conquérir les mondes et à apporter sa sagesse aux peuples de l'univers. C'est très étonnant:

    Je mets quelques extraits:

     

    "Bon Dieu, ce que j'ai pu me dire d'injures! Nous autres hommes regardons sans honte le passé de l'humanité parce que la lumière a vaincu les ténèbres, parce que le bien a triomphé du mal, et en a triomphé pour toujours. Nous pouvons dire : oui, en l'an seize cents, des fanatiques cruels ont brûlé Giordano Bruno, mais les hommes n'ont pas suivi la route où voulaient les pousser les fanatiques, ils ont pris la route de Bruno. Nous savons que l'humanité, en un temps étonnamment rapide si on le mesure au rythme de l'histoire, est passé de la sauvagerie à la société communiste, c'est-à dire à la justice. Mais lui, le fantôme, il ne le savait pas."

    et

    L'un ignorait depuis longtemps le chagrin et le malheur. Il était bon, tendre et sublime et il avait l'âme pure d'un enfant. L'autre avait connu pendant des siècles le combat sans merci du bien et du mal, il avait souffert d'innombrables maladies, mais il avait survécu et il était maintenant fort et bien trempé.

    Le premier monde vivait de la générosité de la nature, et cette générosité ne s'était pas démentie pendant des millé naires. Pendant des milliers d'années, le second n'avait reçu que de misérables miettes, et un jour était venu où ce monde, ayant dompté la nature, aurait pu dire: « Suffit. Maintenant j'ai tout ce qu'il me faut. » Mais ce jour-là, il avait dit : « Dorénavant, je n'ai plus à me soucier de mon existence. Tant mieux, je vais pouvoir aller de l'avant plus vite que jamais. »

    Le premier vivait une fête sans fin et par conséquent accablante. L'autre aussi était enfin parvenu à la fête perpétuelle. Mais c'était une fête particulière où les victoires du travail et de la pensée étaient les triomphes les plus éclatants, où le plus haut bonheur humain était le travail qui transformait l'univers dans un élan vertigineux."

    ou encore

    Ce n'est pas d'hier que l'homme a du bon en lui. Le bien est né avec l'homme. Mais on l'a écrasé et entravé. Maintenant, il est libéré pour toujours, sans retour. N'est-il pas normal que ce soit nous, qui avons connu tant de douleurs, qui ayons reçu aujourd'hui le lourd privilège de tendre la main aux autres pour les aider ? »

    Oui, chacun de nous est responsable de ce qui se produit sur notre planète. Naguère, notre monde se limitait à la Terre. Nos langues étaient multiples et nous pensions et vivions diversement. Maintenant seulement nous nous sen tons membres d'une même famille. Nous avons compris que pour les autres êtres doués de raison, nous sommes un tout : l'humanité, les hommes. Quand nous rencontrons de tels êtres, chacun de nous est responsable du passé, du présent et de l'avenir de toute l'humanité.

    Je pense qu'il faut voir un sens profond au fait que les hommes n'ont pénétré dans l'Univers que sous le communisme. Cela ne vient pas seulement du développement des techniques. On ne pouvait pas entrer en contact avec d'au tres êtres raisonnables sans avoir vaincu une fois pour toutes le mal qui régnait sur la Terre. Sinon, la rencontre aurait tourné à la catastrophe. Le communisme n'a pas seulement procuré aux hommes la possibilité technique d'effectuer de lointaines croisières ; il leur a donné aussi le droit moral d'entrer en rapport avec d'autres êtres pensants.

    Il cite même Marx et Lénine à un moment. Nous avons donc bien une oeuvre de science-fiction soviétique, de propagande, d'Etat.

    Très étonnant.

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