• N. Mamère - D. Cattelain - Les damnés de la mer

    Trouvé sur le marché du dimanche. 

    Il s'agit ici d'une vingtaine de témoignages des prolétaires des cargos, tankers, vraquiers.

    Ils sont Philippins, Coréens, Ukrainiens... Pour échapper à la misère dans leur pays, ils finissent embarqués sur des navires antédéluviens, abimés, dangereux pour eux et pour l'environnement. Les navires peuvent appartenir à des chinois, l'affréteur russe et l'armateur thaïlandais et le pavillon du Panama. La multitude des couches empêche toute lisibilité des contrats et des responsabilités.
    les équipages sont de nationalités multiples afin de faire jouer le "diviser pour mieux régner" et ainsi contraindre les marins à des conditions de misère. A la moindre revendication, ils sont menacés d'être blacklistés et alors impossible pour eux de retrouver du travail...Les salaires sont des salaire de misère. Ils ne sont d'ailleurs souvent pas versés à temps afin de mieux les contraindre à continuer sur le navire, sinon ils risquent de tout perdre.
    Parmi les témoignages quelques victoires à mettre au crédit de l'ITF, qui défend les marins à travers le monde. Mais il existe toujours une porte de sortie pour les kapo et les commanditaires qui, souvent liés aux différents pouvoirs s'en sortent toujours

    Ce livre date d'il y a 20 ans mais je pense qu'il est toujours d'actualité étant donné que les pavillons de complaisance n'ont pas disparu.

    Quand on sait que les costa croisière tournent avec justement du personnel philippin et pakistanais, exploités au profit des loisirs des occidentaux. (http://www.humanite.fr/costa-concordia-derriere-le-luxe-la-galere-des-marins-de-croisiere)...

    Bref, à lire parce que les témoignages complètent efficacement les analyses. L'empathie au service de la raison.


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  • Cathédrale de Chartres


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  • Le sucre et la faim

     

    1979, Robert Linhart part pour un reportage dans le nord-est du Brésil, dans l'État de Permanbouc.

    La dictature est en place depuis 10 ans mais dès 1979, un retour à la démocratie se fait sentir.
    Dans cet État, les latifundias ont été privilégiées. Nous n'avons pas les tenants et les aboutissants mais les grands propriétaires ont été favorisés et ont étendu leurs exploitations en expulsant les petits propriétaires qui possédaient quelques terrains qui leur permettaient de faire de l'agriculture vivrière et de faire pousser de la canne à sucre pour leur propre bénéfice.
    En cette année de 1979, des lois laissent davantage de libertés aux syndicats. Et une grève est en préparation. Car tout appelle à la lutte.
    Le sucre devient la monoculture, vouée à l'exportation. Le prix dépend donc beaucoup des cours mondiaux et rapidement, les cours se sont mis à baisser alors que l'inflation, elle, a augmenté. Et le peuple meurt littéralement de faim. Les salaires ne permettent pas de vivre, les enfants sont mis à contribution afin d'aider les parents. Ils tombent comme des mouches. 
    Le sucre ET la faim, tant la vie des ouvriers manipulés par les propriétaires ne tournent plus qu'autour de ça: il faut couper la canne afin de tenter de ne pas mourir de faim.
    Le livre est aussi un certain cri d'espoir car se terminant sur une victoire (symbolique) des syndicats et des ouvriers qui entament leur grève sans que le gouvernement ni les milices ne les en empêchent, pouvant alors obtenir une augmentation de salaire qui ne viendra malheureusement pas compenser l'inflation.

    Je ne connais pas l'histoire du Brésil et je ne sais pas quelle est la mesure de ce reportage. Je ne sais pas s'il s'insère dans une réelle amélioration des conditions de vie des ouvriers agricoles mais il fait sacrément écho à la manière dont les États-Nation se spécialisent au niveau de leur production agricole en s'offrant aux marchés mondiaux, sacrifiant alors les petits agriculteurs et en desservant leurs intérêts à long terme, à savoir leur propre autonomie alimentaire.

    Un autre point est aussi prégnant, à savoir que la misère est au bout du paiement à la tâche, loin de la qualité de vie qu'offre le salariat. Les latifundiaires (en tant qu'acteurs et bénéficiaires principaux de la production) ont su jouer à leur profit avec les statuts des travailleurs, les réduisant en un esclavage de fait.

     

    Merci à Marie pour le prêt du livre


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  • Aldo Leopold - Alamnach d'un comté des sables

    De l'esthétique à l'éthique

    L'auteur est un des pères de l'écologie aux Etats-Unis

    Ce livre est divisé en trois parties.

    La première partie est un almanach décrivant la ferme de l'auteur tout au long de l'année. D'une écriture sensible et érudite, nous prenons plaisir à lire l'auteur qui nous régale de descriptions tout en douceur des lieux dans lesquels il vit. Il y décrit les arbres, les oiseaux, les liens qui les unissent, des retrouvailles chaque année avec les migrateurs. Il nous irradie de sa sérénité. Nous sentons presque le vent nous caresser le visage.

    Dans son écriture, il y a un vrai plaisir des mots. Je me dis qu'il faut, pour profiter de la puissante sérénité de l'environnement qu'il habite, un vrai goût d'esthète. La beauté, le plaisir des sens qu'il soit visuel, des mots pour désigner, de la compréhension des mécanismes souples qui régissent la vie hors de l'intervention de l'homme.
    Et ce plaisir lié à la beauté -transcendentale- est nécessaire d'après moi pour appréhender les valeurs de l'écologie. Si on a la tête tournée vers l'écran, si nous sommes précipités par notre travail hors des limites de nos cycles naturels, nous ne serons pas capables d'estimer les énergies naturelles qui sous-tendent les équilibres de nos biotopes.

    "Notre faculté de percevoir la qualité dans la nature commence, comme en art, par le plaisir des yeux. Elle s'étend ensuite, suivant différentes étapes du beau jusqu'à des valeurs non encore captées par le langage." L'inéffable, peut-être une autre définition de la spiritualité, concrète celle-ci.

    La dernière partie, non descriptive, non contemplative est une suite de réflexions sur l'écologie (dans les années 40 à l'époque).
    Une des parties, très intéressante à mon goût, est celle concernant l'éthique écologique. Il dit que la puissance publique ne pourra jamais se substituer à une éthique individuelle. Mais que celle-ci demande un effort à chacun. La formule d'un Etat qui se chargerait de tous "ne définit ni le bien, ni le mal, n'assigne aucune obligation, n'appelle à aucun sacrifice, n'implique aucun changement dans l'actuelle philosophie des valeurs."
    Il explicite que l'éthique écologique, en tant que vivant au milieu de la nature, nécessite une vertu, celle-ci étant forcément sacrificielle, de compromis, loin d'un individualisme narcissique, du "plaisir tout de suite".

    Cependant, si pour tendre à une éthique écologique il faut être sensible à l'esthétique de la nature, ce n'est pas avec le développement des villes, la multiplication des écrans, que cela s'arrangera.
    Néanmoins, comme cité dans le livre:

    "Que tu le veuilles ou non
    Tu es un Roi, Tristram car tu es l'un
    Des rares à l'épreuve du temps qui, lorsqu'ils s'en vont
    Laissent le monde différent de ce qu'il était.
    prends garde à ce que tu laisses."

                                                          Edwin Arlington Robinson

    Un très beau livre.


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  • Christophe Guilluy - La France périphérique

    David Guilluy - 2014

    L'auteur essaie de déconstruire certains concepts qui fondent les lectures traditionnelles de l'INSEE par exemple. Il cherche à la fois à échapper au concept -selon lui- dépassé de la classe moyenne et de construire une nouvelle lecture des villes défavorisées. Pour ce faire il va considérer 8 indices (chômage, précarité, temps partiel, par des ouvriers...) pour classer les communes et redessiner une carte de la France périphérique.

    Poru lui la France périphérique, c'est la France à laquelle ne profite pas la globalisation, c'est la France qui pâtit de la mobilité et qui par des mouvements multiples va être extraite de la réussite globale. C'est la France qui est la victime parfois complice de la métropolisation. Les métropoles étant ces grandes villes qui bénéficient justement de la réussite d'un modèle économique basé sur la tertiarisation de l'emploi et de la mobilité professionnelle (et souvent touristique aussi)

    L'essai n'est pas exhaustif et son propos n'est pas de dénoncer les misères sociales dans leur ensemble mais de redessiner une carte qui aille au delà des clivages traditionnels (banlieues vs le reste de la France)

    Dans ce livre, finalement il distingue 3 ensembles de populations
    - ceux qui profitent de la globalisation
    - les banlieues ethnicisées
    - la France périphérique éloignée des centres urbains, prisonniers d'un foncier éloigné des bassins d'emploi sous le joug de la voiture qui réduit d'autant leurs moyens.

    Au coeur de ce petit livre, Guilluy évoque le multiculturalisme imposé par une classe dominante qui sait très bien s'en extraire elle-même (frontières invisibles, liées à la gentrification, aux dérogations face à la carte scolaire,) et qui reproche aux classes populaires d'être racistes, sous cultivées parce que parfois, elles se réfugient dans le vote FN. Guilluy prend pour principe que si aujourd'hui les zones périurbaines sont habitées par des populations immigrées, c'est parce que les personnes répondent à un besoin de regroupement culturel.
    Cela lui est d'ailleurs reproché. Il serait une caution scientifique à un populisme géographique (http://www.espacestemps.net/articles/les-dangers-du-populisme-geographique/)
    Il propose de lire ces espaces et le refuge de certains dans le vote FN aussi à travers le filtre de majorité/minorité , majorité culturelle devenant minorité à travers de nombreux exemples.

    Ce livre n'étant pas un programme politique, il ne propose pas grand chose si ce n'est une plus grande autonomie aux départements afin qu'un territoire assez petit puisse mieux réagir dans son espace. Bref, il faut de l'action publique.
    Cependant la conclusion est pessimiste:
    « avec ou sans les partis politiques, une contre société émerge dans la France périphérique et plus généralement dans tous les milieux populaires quelles que soient leurs origines. Relocalisation, attachement à un capital d’autochtonie, à des valeurs traditionnelles (notamment en banlieue), les catégories populaires se sont déjà affranchies de la doxa des classes dominantes. Sans visibilité ni poids politique, les nouvelles classes populaires exercent déjà une pression sur l’ensemble du système de représentation politique, pression qui aboutira mécaniquement à une recomposition des partis politiques. Sans une implosion du système politique traditionnel et la création ou le renforcement d’institutions (comme les départements) susceptibles de représenter cette France populaire, le morcellement et l’éclatement de la société française paraissent inéluctables »


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