• Véronique Grandpierre - Histoire de la Mésopotamie

    Voilà, c'est fait, je voulais mettre un peu d'ordre dans ma tête après le livre de Jean Bottéro qui partait en quête de l'homme de l'entre deux fleuves.

    Ici, nous avons plutôt une histoire thématique. (les sources historiques, les royaumes, le patriarcat, le savoir, les croyances) ce qui permet de replacer les précédentes lectures dans une vision plus ordonnée. Je me dis d'ailleurs que lire d'abord le livre de Bottéro était une bonne idée: connaître les hommes, leurs modes de pensée avant leur histoire chronologique


    Bon, c'est plutôt pour le profane. Il est difficile de résumer en 450 pages une histoire longue de plus de 3000 ans. Les civilisations ont été multiples sur un terreau commun subissant les influences du sud (vallée de l'Indus) ou des sémites du nord(akkadiens) plus tard, les générations se sont succédé.

    Néanmoins, malgré les trous liés à une archéologie dépendant de ce qui est trouvé, il est plus qu'intéressant de connaître nos profondes origines. De multiples éléments le prouvent. L'alphabet est à l'origine mésopotamien (l'alpha, le béta...ont des origines mésopotamiennes. La société est avant tout patriarcale.(déjà et depuis l'apparition des premiers dieux semble-t-il) et la société des hommes s'organisait déjà sous le contrôle d'un chef.

    Donc, 3000 ans en quelques pages, c'est la garantie que certaines informations ne pénètreront pas le couches profondes de ma mémoire comme les diverses dynasties par exemple. Mais quelque part, je crois que l'essence de cette civilisation restera.

    C'est amusant, en terme de continuité de pouvoir aujourd'hui contrecarrer les pourfendeurs de La Fontaine réduisant son art à une sorte de plagiat d'Esope, et de leur dire qu'Esope lui-même s'était insipré de récits babyloniens...


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  • Pacal Boyer - Et l'homme créa les dieux

     

    Pascal Boyer est anthropologue. S'il est d'origine française, il est malgré tout américain et je me demande bien pourquoi ce sont principalement les anglo-saxons qui écrivent des ouvrages critiques sur les religions... Peut-être les européens (par tradition) respectent-il trop la religion (aussi en tant que faisant partie de l'histoire) pour oser la penser?

    Dans cet ouvrage, Pascal Boyer tente (et réussit à mon sens) à comprendre les origines humaines de la religion. La religion étant ici à la fois le surnaturel, les rites, le sens de la mort...
    Il s'éloigne des réponses superficielles comme quoi la religion répondrait à l'angoisse de la mort, serait un lien social important, répondrait aux questions transcendentales ou mystiques. Non, son travail répond à des questions beaucoup plus précises en utilisant les sciences cognitives, l'imagerie médicale, parfois les sciences sociales et la grille de lecture de l'évolutionnisme. Pour lui, il n'y a pas d'évidence, il n'y a pas d'immanence à la question des dieux (Dieu, esprits, divinités...) mais une mise en perspective liée à notre cognition humaine héritée de notre sélection.

    Il cherche donc l'universel divin en interrogeant certains cultes que certains qualifient de "primitifs (les Fang par exemple), ne se limitant donc pas aux pseudos "grandes religions du Livre".

    Ce qui est intéressant dans son discours, c'est qu'il décale son langage et n'utilise pas le vocabulaire de la théologie mais celui qui lui est propre, plus propice à penser un domaine hors de son contrôle conceptuel. Ainsi, il ne parle pas de divinités, mas "d'agents surnaturels", il ne parle pas de clergé mais de "corporations religieuses"...
    Il réussit à penser autrement et à sortir des poncifs habituels qui finalement ne font que servir (au sens premier du terme) les religions.

    Donc, les questions qu'il pose sont de ce type:

    • qu'est-ce qu'un agent surnaturel?
    • quelles sont les caractéristiques d'un agent surnaturel crédible?
    • à quoi ressemble le surnaturel?
    • ...

    Il réussit aussi à déconstruire les domaines dont s'occupe la religion (les rituels, la mort, la morale).
    Il y arrive (et c'est le coeur de sa pensée) en faisant appel aux sciences.
    En gros (pour le détail, il faut lire le livre) la religion est une sorte de méta-concept qui répond à des besoins intrinsèques à la psychè humaine. Il faut alors penser l'homme comme un somme complexe de besoins "premiers" dont il n'a pas conscience. Son cerveau (le mien, le vôtre, le nôtre) agit contre notre conscience. Ce sont des intuitions.

    • Nous sommes des toujours des proies potentielles dont le besoin de sécurité est vital, nous cherchons à faire sens de l'angoissante incompréhension de notre milieu.
    • Nous pensons les agents surnaturels comme des personnes  (et nous le savons grâce à l'imagerie médicale)
    • nous pensons les morts en activant les mêmes zones du cerveau liées aux personnes vivantes
    • les rituels (comparés à des TOCs de par leur fonctionnement procédural) répondent à la fonction de normalité
    • ...

     

    Quant à "pourquoi croit-on?" la réponse paraît évidente à la fin du livre.C'est parce que notre cerveau est configuré pour croire, très loin de notre conscience. C'est une forme d'économie face aux inférences (et le terme ici est extrêmement important) qui nous sont naturelles et que le cerveau produit à chaque instant sans le faire parvenir à la surface de notre conscience.

    Je ne pense pas que ce livre fera des croyants des apostats. Néanmoins, il permet de penser la religion autrement  que comme une évidence. Pascal Boyer, par là, nous ramène à une forme de modestie. Nous ne sommes pas une espèce élue, mais un produit de l'évolution dont la religion est une des caractéristiques qui répond à des besoins propres.

    Le livre est dense, mais accessible.

    À lire donc!


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  • Une note de lecture, ce qui ne m'arrive pas souvent, et dans le fond j'ai tort, vous allez voir, parce que si je prends la plume (le clavier), c'est pour rouspéter. Je sais, c'est mal. 
    De passage dans une de nos librairies de référence (et par conséquent je ne dirai pas laquelle), j'ai été conseillée par un libraire (et je ne dirai pas lequel, pareil), sur un bouquin. J'ignore totalement pourquoi il me l'a conseillé. Je lui avais parlé juste avant de mon gros coup de coeur sur La Veuve de Gil Adamson, il a dû faire le rapprochement, Canada, Etats-Unis, XIXème siècle... Bref il s'agit de 1000 femmes blanches de Jim Fergus. 
    Le récit commence par une sorte d'introduction, comme une préface, d'un contemporain qui retrouve la trace d'une de ses aïeules, disparue dans un remous de l'Histoire dont il se fait le témoin. Et là on nous présente pour argent comptant un fait censé avoir été caché par les autorités, le président Grant qui aurait accepté de donner 1000 femmes blanches aux Cheyennes contre 1000 chevaux, dans un souci de diplomatie, avant de se dédire et d'envoyer la cavalerie exterminer tout ce beau monde, femmes blanches déjà sur place, indiens cheyennes, bref une boucherie passée sous silence par des affreux.
     Alors je ne dis pas que ce ne sont pas des affreux, mais cette histoire de femmes blanches m'a un peu interloquée, et, curieuse, pour tout dire vaguement dubitative, je suis allée chercher les références. Les critiques du livre sont très élogieuses (j'y reviendrai), et en tout cas les lecteurs sont unanimes pour se scandaliser devant ce fait historique abject. La FNAC, dans sa note de présentation parle de cet épisode comme d'un fait historique ( ici, allez voir! ). Moi je trouve ça quand même un peu bizarre, un peu énorme, et je continue à chercher . Eh bien en réalité, les amis, ce n'est pas vrai du tout, le président Grant a rencontré le chef Cheyenne dont le nom m'échappe, mais il n'a pas été question d'échange de femmes. C'est une pure invention de l'auteur Jim Fergus, et je trouve le procédé malhonnête, d'autant plus qu'à la fin du livre il précise que certains faits sont inventés, et d'autres sont vrais, sans préciser lesquels, laissant planer le doute, sans nul doute pour rendre son récit plus palpitant puisque plausible!
     Partant de là, après cette première révélation censée nous saisir d'effroi, l'auteur va nous faire suivre les aventures de son héroïne, la narratrice, oscillant entre description de bons sauvages, de spiritualité New Age, de romantisme échevelé (aventures sentimentales entre un beau capitaine viril à l'oeil pétillant de malice (2 fois en 10 pages, même formulation) et un beau chef indien forcément félin mais toujours viril). Les scènes de sexe ne manquent pour rajouter au piquant (et booster les ventes) dudit récit.
     Pourquoi je fais une note de lecture? Eh bien d'une part je suis un peu fâchée que ce mauvais choix vienne de ma librairie, et puis je reste soufflée devant une telle avalanche de bonnes critiques, alors que le livre est doublement coupable: d'un point de vue historique (arnaque du faux fait historique) ET littéraire.
     Mais ne vous inquiétez, j'irai lui tirer les oreilles!

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  • Petit pays - Gaël FAYE

    Proposé par la prof de Français de notre grand. Nous l'avons lu. C'est assez sympa d'accompagner les enfants dans les lectures pour pouvoir en parler.

    Petit roman, pas trop mal fichu. Quelques maladresses narratives mais l'ensemble est bien mené.

    L'auteur raconte une enfance (des enfances en une) au Burundi dans les années 90 au temps du génocide des Tutsis.

    Le narrateur a une dizaine d'année. il est le fils d'un français et d'une réfugiée rwandaise (Tutsi). Racontant d'abord ses souvenirs d'enfant à Bujumbura dans un quartier privilégié, celui-ci se trouvera de plus en plus mêlé à l'histoire dramatique et sanglante de son petit pays, le Burundi.

    C'est l'occasion de relire la page wikipédia du génocide des Tutsis:


    https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_des_Tutsis_au_Rwanda#cite_note-109

    et de se remettre dans la tête (parce qu'on aimerait bien se rappeler de tout ou bien tout savoir, mais malheureusement l'esprit est faible) les responsabilités de l'occident dans la genèse de ce conflit, la folie des hommes et celle des peuples.


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  • Qu'il a dû être difficile d'être un universitaire de droite dans les années 60-70.
    Jacques Heers est de droite (il a même causé dans le micro de Radio Courtoisie, c'est dire...) il faut le savoir pour lire ce livre.

    Jacques Heers contrairement à ce que la couverture tente de nous faire croire ne cherche pas à casser des mythes, tel Louis IX rendant la justice sous son chêne, mais plutôt de se porter en faux contre les opinions courantes qui nous enchaînent parfois à cette longue période (1000 ans) qu'est le Moyen-âge.

    Il ya du bon et du moins bon dans ce livre.

    De bon, il y a:

    • la remise en question de la la frontière -qui nous paraît naturelle entre le MA et la Renaissance. Pour lui, il n'y a pas de fracture franche. Il s'agit plutôt d'une construction a posteriori héritée à la fois de certains auteurs du XVIè siècle, des romantiques et de certains historiens tels Michelet.
    • la remise en question de la séparation stricte entre la ville et la campagne, vus comme des mondes opposant la civilisation et la pauvreté crasse
    • la vision complexe du MA qui, à travers l'Europe entière, s'est exprimée de façons multiples.
    • la remise en question de l'usure dévolue aux juifs alors que semble-t-il le crédit était réalisé aussi par des chrétiens.

     

    De moins bon:

    • une écriture qu'on sent un peu revancharde  entre autre envers Le Goff auquel il reproche une lecture marxiste du MA.
    • une relativisation du rôle de l'église dont il minimise l'importance dans ses travers (bien récupérés, combat contre les hérésies), c'est faire fi du rôle moral qu'elle se donnait.
    • Des comparaisons à l'emporte-pièce du genre "oui à l'époque, ça se passait comme ça mais aujourd'hui..."
    • Des tendances que, lui, essaie de fonder sur des exemples parfois maigres. Mais il est vrai qu'il existe peu de littérature du haut MA.

     

    Malgré ses défauts, j'ai bien aimé. (Claire l'a trouvé baucoup plus abusif que moi, mais il est vrai que je lui pardonne peut-être beaucoup). J'ai bien aimé cette vision un peu dissonante qui permet de se poser des questions et de considérer autrement le MA.
    Le MA, c'est 1000 ans, c'est une Europe entière, des mentalités qui évoluent imperturbablement au fil des générations.

    Finalement, ce qu'il semble beaucoup reprocher, c'est la façon dont l'école fonde la vision du MA (il cite à plusieurs reprises des manuels), empêchant par la suite de considérer l'extrême complexité d'une période extrêmemnt complexe.

     


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