• Mircéa Eliade - la nostalgie des origines

    Si vous voulez découvrir les concepts-clefs de Mircéa Eliade (Axis Mundi, hiérophanie, In Illo Tempore, l'éternel retour...) ce livre n'est pas le premier à ouvrir. Il vaut mieux commencer par le sacré et le profane, ou le mythe de l'éternel retour.

    Cet ouvrage est une suite d'articles plus ou moisn intéressants.

    Le premier émet le souhait (propre à son temps) d'une sorte de rapprochement entre les mystiques occidentales et celles de l'Inde. (Rappelons qu'au départ Eliade a beaucoup écrit sur les religions hindoues.)

    Le deuxième fait une recension de la littérature scientifique "de 1912 à nos jours", soir jusqu'à 1969.

    Le texte le plus intéressant à mon sens est peut-être le troisième "la quête des "origines" de la religion". Mais aujourd'hui, c'est un grand manque que relève le lecteur: celui de la cognition et d'hypothèses fortes comme celle du biais d'agentivité.

    Le dernier article (que j'ai survolé, honte à moi) est une sorte de recension des dyades, sorte de principe premier de nombreuses religions objets composé de deux éléments. Quitte à formuler une hypothèse, si on part du principe que notre "puits sans fond" est le langage dont les mécanismes premiers sont l'analogie/catégorisation, la dyade est une sorte d'attendu.

    Mais en tout cas, ce qui apparaît à la lecture de ces textes et à au moins deux reprises, c'est le parti-pris qui fait de Mircéa Eliade un historien des religions et non du sens du religieux. Il part du postulat qu'il faut accepter le "sens du religieux" comme un fait en soi, fort respectable, et significatif de façon ethnologique:

    « En conclusion, l’historien des religions qui n’accepte pas l’empirisme ou le relativisme de certaines écoles sociologiques et historiques à la mode, se sent assez frustré. Il sait qu’il est condamné à travailler exclusivement avec des documents historiques, mais il a en même temps le sentiment que ces documents lui disent quelque chose de plus que le simple fait qu’ils reflètent des situations historiques. Il sent confusément qu’ils lui révèlent des vérités importantes sur l’homme et la relation de l’homme avec le sacré, mais il ne sait comment saisir ces vérités. C’est là un problème qui obsède beaucoup d’historiens des religions contemporains. Quelques réponses ont déjà été proposées. Toutefois, le fait même que des historiens des religions se posent cette question est plus important que les réponses qu’ils ont pu apporter. Comme souvent dans le passé, une question judicieuse peut insuffler une vie nouvelle à une science épuisée. »

    « Il est évident que l’historien des religions doit d’abord subir lui-même les conséquences de son propre travail herméneutique. Si ces conséquences n’apparaissent pas toujours clairement, c’est que la majorité des historiens des religions se défendent contre les messages dont sont chargés leurs documents. Cette défiance est compréhensible : on ne vit pas impunément au contact quotidien des formes religieuses « étrangères », parfois extravagantes, souvent terribles. Mais nombre d’historiens des religions finissent par ne plus prendre au sérieux les mondes spirituels qu’ils étudient ; ils se retranchent dans leur foi religieuse personnelle ou se réfugient dans un matérialisme ou un béhaviorisme imperméables à tout choc spirituel. Par ailleurs, la spécialisation excessive permet à un grand nombre d’entre eux de se cantonner pour le reste de leurs jours dans le secteur qu’ils ont appris à fréquenter depuis leur jeunesse. Et toute « spécialisation » finit par banaliser les formes religieuses et par en effacer les significations. »


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  • Karel ČAPEK - La fabrique d'absolu

    Capek est tchèque. C'est lui qui a apporté le mot "robot" au monde.

    Nous sommes en 1923 et Karel Capek nous emmène en 1943. S'agit-il donc d'une oeuvre de science-fiction?

    1943, en France, l'ingénieur Maret vend à un ancien ami, grand industriel Bondy un carburateur, sorte de chaudière épatante. Elle permet d'extraire du charbon, de la matière, une quantité incroyable d'énergie. A tel point qu'un seul boulet de charbon pourrait fournir suffisamment d'énergie pour éclairer et chauffer des villes entières.

    Mais en réduisant la matière au néant, en en extrayant la substantifique moelle, le carburateur extraie autre chose: l'Absolu.

    Je n'en dirai rien. Ce serait gâcher la surprise. Mais les carburateurs vont révolutionner le monde au-delà de l'attente des personnages.

    Ce roman est un ouvrage de science-fiction (un peu), une farce (les personnages sont souvent outrés), une parabole inscrite dans son temps (on pense biens sûr à l'énergie atomique mais aussi aux réflexions qui ont découlé de la première guerre mondiale.)

    C'est en fait un petit bijou, un petit bijou baroque mettant en scène une humanité aux prises avec l'Absolu, Capek énonce les craintes de son temps d'une manière drôle et détachée.

     


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  • Helen PLUCKROSE / James LINDSAY - Le tromphe des impostures intellectuelles

    Helen Pluckrose et james Lindsay sont (avec Peter Boghossian) les auteurs de l'affaire Sokal au carré.

    Autant dire qu'ils ont une vigilance accrue vis à vis des thèses qui font florès au niveau universitaire. si le titre français fait référence à Alan Sokal (qui préface l'ouvrage), le tire original est Cynical théories :

    Cynical Theories Livre audio | Helen Pluckrose, James Lindsay | Audible.fr

    Leur ouvrage est une critique des postcolonial/racial/gender/identity/fat/queer theories (ou studies). Ce n'est pas un critique morale. Non. ce serait une erreur. C'est un critique qui se veut scientifique.

    Pourquoi "cynical"? Parce que comme de nombreuses autres personnes elles considèrent que les origines de ces théories fumeuses proviennent de la Théorie, de la French théorie, sorte d'agglomération de diverses thèses de Foucault, Derrida ou encore de Lyotard pour citer les noms qui reviennent le plus souvent. Des théoriciens qui ont élevé des schémas d'idées relativisant le réel. (le relativisme s'appliquant à tout sauf à ces nouveaux champs bien sûr)

    Pour les auteurs de ce livre, ce corpus hétérogène structure ces nouvelles études:

    le principe postmoderne de la connaissance: un scepticisme radical sur la possibilité d'une connaissance ou d'une vérité objectives et l'affirmation d'un constructivisme culturel.

    Le principe politique postmoderne: croyance que la société est constituée de systèmes de pouvoir et de hiérarchies, statuant ce qui peut être connu et comment cela peut l'être

    Ces deux principes organisant 4 thèmes:

    • le brouillage des frontières
    • le pouvoir du langage
    • le relativisme culturel
    • l'abandon de l'individu et de l'universel

     

    Je ne rentrerai pas en détail dans l'ouvrage. je n'en fais pas une recension. Il y est beaucoup question entre autres comme d'éléments qui fondent ces pseudos champs de recherche du biopouvoir et du savoir-pouvoir foucaldiens.

    Cependant, si Les auteurs terminent leur ouvrage par un éloge du libéralisme (citant souvent Steven Pinker et son ouvrage le triomphe es lumières que j'ai dans un coin mais que je n'ai pas encore lu), c'est parce que, quels que soient les reproches que l'on puisse faire aujourd'hui au libéralisme, c'est le système de pensée qui a permis toutes les grandes évolutions qui ont faire de nous aujourd'hui des individus autonomes, nous permettant de nous émanciper des groupes auxquels les hommes étaient affiliés. C'est le libéralisme qui a permis la déclaration des droits de l'homme reconnaissant des droits aux individus et non aux groupes. C'est le libéralisme qui a permis aux femmes d'avoir les mêmes droits que les hommes. Ne l'oublions pas. Alors que toutes ces études/théories dévoient les causes parfois justes en créant de nouvelles tribus, opposant de nouvelles identités entre elles, et surtout en dévoyant la science et les universités en proposant des études (souvent morales et qui se veulent productrices de changement social) devenues infalsifiables et d'un réductionnisme frisant le simplisme. 

    Quant à savoir, si ces champs qui deviennent hégémoniques aux État-Unis peuvent imprégner les universités européennes, je pense que c'est une crainte que l'on peut avoir quand on connaît la séduction qu'opère la culture anglo-saxonne. Il est donc bon de s'armer intellectuellement pour pouvoir s'y opposer.

    C'est un livre qu'il sera nécessaire de feuilleter régulièrement.


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  • Thor HAYERDEL - l'expédition du Kon Tiki

    Thor HEYERDAHL - l'expédition du Kon Tiki

    Celui-là, je l'ai trouvé sans le chercher chez un bouquiniste à Cahors. Cela doit être la quatrième fois que je le lis. En regardant un peu en arrière, je pense qu'il doit y être pour beaucoup quand petit je disais que plus tard, je voulais faire aventurier. J'ai dû lire peu après à Versailles, chez mes grands parents, pioché dans l'armoire du haut un autre ouvrage du même acabit, celui d'Alain Bombard naufragé volontaire.

    1948, Thor Heyerdhal ayant développé une théorie, et devant les critiques et les sarcasmes, il décide de la tester. Il pense que les premiers habitants de la Polynésie (et de l'île de Pâques) sont des descendants des habitants du Pérou emmenés par un certain Tiki. Il s'appuie sur des légendes, des représentations, des histoires communes et des constructions identiques dont le radeau qu'il va construire.

    Car selon lui, ces individus ont traversé l'Océan Pacifique non pas sur un bateau avec une quille, mais sur un radeau construit avec des troncs de balsa.

    Et c'est cette aventure qu'il va nous raconter. Cette histoire folle de 6 hommes (dont Knut Haugland, l'un de ceux qui a participé à la bataille de l'eau lourde) qui ont décidé de partir avec un simple émetteur récepteur sur une route non empruntée par les navires sur un radeau jamais testé auparavant en ses reposant sur une hypothèse hardie...

    Thor HEYERDAHL - l'expédition du Kon Tiki

    C'est cette histoire qui nous est racontée, cette folie, ce risque qui durera un peu plus de 100 jours.

    Thor HEYERDAHL - l'expédition du Kon Tiki

    Après la quatrième lecture, je trouve cette histoire toujours aussi impressionnante. Cette détermination au nom de la science est incroyable. Le terme d'aventure n'est d'ailleurs pas galvaudé tant les risques étaient importants (tempêtes, disclocation, chute en pleine mer sur un radeau qui ne peut revenir en arrière. On peut la trouver un peu folle mais je trouve leur envie et leur folle détermination. Et tout cela au nom de la science, de la conviction (mais aussi certainement par goût du risque).

    Thor HEYERDAHL - l'expédition du Kon Tiki

    Une lecture pour les nostalgiques de l'aventure. Aujourd'hui, toute aventure, toute expédition ne recouvre pas le dixième des risques pris à l'époque tant les outils techniques sont importants. Et se replonger dans de tels récits emporte l'imagination aux aventuriers du quotidien enfoncés dans notre canapé mais emportés par la houle des épreuves.

    A noter qu'un film en a été tiré et qu'il est plutôt de qualité:

    https://www.telerama.fr/sites/tr_master/files/fa5fcfde-6e14-4c08-b1c3-cf9c6285f1e4_2.jpg

     Un reportage en a aussi été tiré (1950) mais je ne sais pas où le trouver sur le net.

    P.S. Il y a eu des échanges entre la Polynésie et l'Amérique du Sud mais Thor Heyerdahl s'est trompé sur son hypothèse. C'est la génétique qui nous l'a appris. Cela ne retire en rien à l'aventure et démontre toujours la saine nécessité de la démarche scientifique procédant par essais/erreurs.


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  • Vicki BAUM- Lac-aux-dames

    Vicki BAUM- Lac-aux-dames

    Quelque part en Autriche, un lac, des villégiatures, des résidences de vacances, des pensions familiales. Cela s'appelle le Lac-aux-dames car on raconte que 24 vierges se sont noyées volontairement pour ne pas subir les derniers outrages suite à une quelconque invasion.

    Ce sont les vacances et Urbain Hell, magnifique jeune homme de 26 ans est embauché comme maître-nageur. Il doit donner des leçons et surveiller la baignade.

    Mais c'est le Lac-aux-dames, parce que ce magnifique maître-nageur, champion de natation et ingénieur par dessus tout va devenir le centre d'intérêt des femmes des alentours:

    "Ma vieille qu'est cependant à son septième mois, passerait toute la journée debout à l'écouter. Y porte un caleçon de bain qu'a pas dix centimètres de long, tant dire un cache-sexe, mais laisse, c'est ça qui plaît aux dames. […] C'est justement qu'elle dit, quand on est enceinte, faut se mettre quelque chose de beau devant les yeux, tu voudrais pas quand même que ce soit toi que je m'y mette?"

    Roman d'amour? Parce qu'il va rencontrer maintes femmes plus ou moins jeunes (Puck et sa mère célèbre actrice,  Mme Birndl, son ancienne maîtrsse comtesse le temps de quelques semaines, deux jumelles.) C'est une suite plus ou moins logique de relations de séduction et de tentations.

    Roman de disette? Parce que ce pauvre Hell est pauvre justement, qu'il gagne peu et que la pluie aidant, il ne va plus gagner grand chose et ainsi voir son clinquant perdre du brillant de repas sautés en jeûnes successifs dans l'attente sans cesse reconduite d'une nouvelle qui pourrait lui apporter la fortune.

    Et donc? Je crois avoir lu un roman sentimental qui se finit bien (ouf). L'ensemble est moyen (quoique bien écrit) parfois naïf mais certains passages, certaines situations valent le coup et m'ont même parfois fait rire.


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