• Maurice Barrès - La colline inspirée

     

    Comment y suis-je venu? Parce qu'il figure dans les 25 romans du Grand prix des Meilleurs romans du demi-siècle.

    Je connaissais aussi Barrès (même si je ne l'ai jamais lu) de par ses positions nationalistes.

    Ici, rien de national, Maurice Barrès commence par un chapitre sur lles lieux où souffle l'esprit. il disserte joliment sur ces lieux qui semblent habités par une beauté métaphysique quelle que soit la religion du moment:

    « Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse. L’étroite prairie de Lourdes, entre un rocher et son gave rapide ; la plage mélancolique d’où les Saintes-Maries nous orientent vers la Sainte-Baume ; l’abrupt rocher de la Sainte-Victoire tout baigné d’horreur dantesque, quand on l’aborde par le vallon aux terres sanglantes ; l’héroïque Vézelay, en Bourgogne ; le Puy-de-Dôme ; les grottes des Eyzies, où l’on révère les premières traces de l’humanité ; la lande de Carnac, qui parmi les bruyères et les ajoncs dresse ses pierres inexpliquées ; la forêt de Brocéliande, pleine de rumeur et de feux follets, où Merlin par les jours d’orage gémit encore dans sa fontaine ; Alise-Sainte-Reine et le mont Auxois, promontoire sous une pluie presque constante, autel où les Gaulois moururent aux pieds de leurs dieux ; le mont Saint-Michel, qui surgit comme un miracle des sables mouvants ; la noire forêt des Ardennes, tout inquiétude et mystère, d’où le génie tira, du milieu des bêtes et des fées, ses fictions les plus aériennes ; Domremy enfin, qui porte encore sur sa colline son Bois Chenu, ses trois fontaines, sa chapelle de Bermont, et près de l’église la maison de Jeanne. Ce sont les temples du plein air. Ici nous éprouvons, soudain, le besoin de briser de chétives entraves pour nous épanouir à plus de lumière. Une émotion nous soulève ; notre énergie se déploie toute, et sur deux ailes de prière et de poésie s’élance à de grandes affirmations. »

    « Tout l’être s’émeut, depuis ses racines les plus profondes jusqu’à ses sommets les plus hauts. C’est le sentiment religieux qui nous envahit. Il ébranle toutes nos forces. Mais craignons qu’une discipline lui manque, car la superstition, la mystagogie, la sorcellerie apparaissent aussitôt, et des places désignées pour être des lieux de perfectionnement par la prière deviennent des lieux de sabbat. C’est ce qu’indique le profond Gœthe, lorsque son Méphistophélès entraîne Faust sur la montagne du Hartz, sacrée par le génie germanique, pour y instaurer la liturgie sacrilège du Walpurgisnachtstraum. »

    Puis il nous emmène en Lorraine, auprès de la colline de Sion-Vaudémont. C'est là qu'on vécu et officié les trois frères baillard, trois prêtres qui ont défrayé la chronique. Au hasard de la bilbliothèque de Nancy où il découvre des archives concernant les trois frères Baillard. Et c'est à partir de ces éléments qu'il va nous faire le récit de cette hérésie du XIXème siècle.

    les trois frères Baillard sont des prêtres de campagne, respectés. L'aîné au sortir du séminaire, attaché à l'histoire de la colline va racheter un séminaire et tenter d'y installer un des soeurs.

    « Vers 1840, sous l’étiquette d’Institut des frères de Notre-Dame de Sion-Vaudémont, la sainte montagne, grâce à l’impulsion des messieurs Baillard, présentait l’image d’une ruche active et industrieuse, où la prière et le travail se succédaient avec bonheur. Beaux bâtiments conventuels, jardins vastes et bien entretenus, ferme modèle au village de Saxon, pensionnat de jeunes gens, grands ateliers pour menuisiers, maréchaux ferrants, charrons, peintres et sculpteurs, tailleurs de pierre, tailleurs d’habits, maçons, fabricants de bas au métier, et même une petite librairie pour la propagande des bons livres. Aux jours de fêtes, de belles cérémonies, des prédications émouvantes, des chants et de la musique attiraient de toutes parts les fidèles éblouis autant qu’édifiés. Et pour couronner la visite de Sion, une surprise charmante était réservée aux plus distingués des pèlerins. Jamais les prêtres ou les laïques considérables qui avaient suivi les pieux offices ne s’en seraient retournés sans être descendus à Saxon. Là, dans la paix profonde du village enfoui au milieu de ses vergers, à l’intérieur de la courbe et pour ainsi dire dans le sein de la colline, ils trouvaient les religieuses, assises sur des bancs à l’ombre de leur couvent. Elles formaient un petit jardin virginal. C’étaient les sœurs quêteuses, celles du moins qui, pour l’instant, se reposaient entre deux voyages. »

    Léopold baillard et les religieuses étaient des gens du petit monde. L'église s'opposa à eux lorsqu'ils essayèrent de démontrer qu'un miracle avait eu lieu au sein de la congrégation. Léopold se vit retirer alors son titre de Supérieur général de la Congrégation des Frères de Sion-Vaudémont.

    Puis il eut une vision, une sorte de spectre lui rendit visite.

    C'est à cette période qu'il alla à la rencontre de Vintras qui habitait alors à Tilly (dans le Cavados d'ailleurs). Vitras était à la tête d'un mouvement sectaire, hérésiaque. il se disait également l'incarnation d'Elie.

    Et c'est toute cette histoire que nous racontre Barrès: comment les trois frères sur cette colline, à son sommet et à sa base vont tenter de sauver leur congrégation, espérer l'apocalypse dont ils seront sauvés d'après Vintras, comment ils vont être remplacés par de jeunes prêtres, comment ils vont se mettre à dos une partie de leurs ouailles.

    C'est une triste histoire qui nous est racontée ici: celle d'une forme de déchéance de personnes sincères au milieu d'un monde qui ne veut plus de miracles, qui rejette les visions (que n'eussent-ils vécu au IVème siècle), des hommes d'église simples, sincères dans leur foi, naïfs peut-être.

    C'est aussi le récit de tout un processus d'endoctrinement, d'isolement propre aux processus sectaires: biais de confirmation, bulles cognitives, radicalisation.

    J'ai bien aimé suivre la lente et tragique descente aux enfers de ces personnages persuadés par les "révélations" d'Eugène Vintras. leur condition populaire, la manière dont ils ont vécu sur et autour de la colline au milieu des croyants de même condition qu'eux. Leur fin misérable ou pardonnée donne une saveur très humaine à leur errance théologique.

    « L’âme de Léopold délivrée revient-elle sur la sainte colline, voltige-t-elle autour de ces murs où, pendant un demi siècle, il crut entendre un appel, et parmi ces landes pleines pour lui d’étranges merveilles ? Personne, aucun berger, nul pèlerin attardé, fût-ce par les temps de ténèbres et de tempête, n’a croisé sur la haute prairie les fantômes de Léopold, de Thérèse, de la Noire Marie, de François, de Quirin. De leurs tertres décriés, la croix plantée en grande pitié a disparu. Dans le cimetière, contre l’église, je n’ai ramassé au milieu des orties, qu’un débris d’ardoise qui porte leur nom. Mais là-haut, on respire toujours l’esprit qui créa les Baillard. »


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  • Bertrand DE JOUVENEL - Après la défaite

    Ouvrage qui date de la même année que La seule France de Charles Maurras. L'année précédente avait aussi été écrit l'ouvrage (mais seulement paru en 1946) l'étrange défaite de Marc Bloch.

    Aujourd'hui Bertrand de Jouvenel est surtout connu pour une interview de Hitler den 1936 où il voyait en lui un homme de paix. C'était aussi un ami de Raymond Aron. Le décès de ce dernier est une conséquence directe de leur amitié puisque Aron est décédé en 1983 juste après une défense de Jouvenel accusé de fascisme.

    Mais quelque part, pour les amateurs de littérature, même s'ils l'ignorent. Bertrand de Jouvenel est le blé en Herbe de Colette. Il est celui qui a inspiré le personnage de l'adolescent. Il était alors le fils de Henry de Jouvenel, époux de Colette. Ils auront une liaison qui durera 5 ans.

    Mais dans cet ouvrage que nous dit Bertrand de Jouvenel?

    La défaite de la France et la victoire de l'Allemagne sont actées. Jouvenel met en parallèle la France victorieuse de 1918 et l'Allemagne de 1940.

    Pour faire court, comme de nombreuses autres personnes, sidérées par la défaite française, Jouvenel se pose les questions des causes. La première de toutes les causes qui lui sont subsumées, c'est que La France n'a pas su prendre la place qui lui revenait de droit après sa victoire.

    Qui plus est, dans ce siècle qui changeait, la France n'a pas su se mobiliser sa jeunesse, faire Nation pour concurrencer l'Allemagne et l'Italie. Jouvenel reproche donc en creux que la France n'ait pas su devenir un pays autoritaire qui aurait su s'armer devenir un concurrent des nations étrangères qui ont su alors mobilier tous les moyens au profit d'une cause commune (ou d'une défense vigoureuse):

    "Alors que l'homme français n'était habitué à faire corps qu'avec la famille, l'homme allemand au contraire se trouvait accoutumé à faire corps avec d'autres hommes"

    "Alors que les professeurs dreyfusards se fiaient pour assurer la prix à la vertu bienfaisante des "immortels principes", le raisonnement de l'école nationaliste s'appuyait sur des vérités incontestables."

    Jouvenel partage donc pour des raisons qui lui sont propres l'avis de certains membres de l'Action Française: le parti de Dreyfus, les pacifistes jouaient contre leur propre pays. il aurait fallu pour s'opposer à un pays totalitaire être un pays totalitaire ou pour le moins valorisant la force:

    "Les générations à venir s'expliqueront mal toute la période d'après-guerre, ei elles ont perdu la clé psychologique. Cette clé, c'est la haine de la force.
    Cette haine st d'abord un sentiment inné de la classe bourgeoise qui s'est élevée dans la société non point par la violence mais contre la violence."

    Jouvenel fait la part belle à des notions qui nous paraissent aujourd'hui démodées, la race, le peuple, la civilisation, les bourgeois. On y voit même des traces d'antisémitisme, si commun à l'époque.

    Jouvenel ne nous donne pas vraiment de clefs mais par l'immédiate analyse de la situation nous donne encore l'esprit du temps. L'Allemagne totalitaire, belliqueuse ne pouvait être contrée que par des moyens comparables et la France n'a pas su le faire. Peut-être que choqué par la défaite toute récente Jouvenel (et par l'occupation d'alors) ne voit pas ou ne peut pas voir les contingences de l'époque et comment elles se sont enchaînées. Tout cela n'était pas fatal et la France d'alors, parlementaire, ne pouvait s'organiser de la même manière qu'un pays totalitaire. Est-ce une faute?

    Certainement selon Jouvenel. Cette réponse transparait aussi dans les textes cités au début. De nombreuses personnes analysaient a posteriori (biais rétrospectif?) l'impréparation de la France, une pudeur dans une guerre déséquilibrée.

    Quelque part, à travers tous ces écrits, on peut comprendre comment un pays qui après avoir vaincu en 1918 et ayant vécu la défaite de 1940 (est-ce le même d'ailleurs qui a gagné en 1945?) a pu vouloir se renforcer sur la scène internationale. (siège permanent à l'ONU, dissuasion nucléaire, place à l'international) pour tenter de se prémunir des défaites futures. Heureusement la démocratisation des pays d'Europe est passée par là.


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  • Luther BLISSET - l'oeil de Carafa

    Nous sommes emmenés dans un voyage dans le temps. Luther Blisset (qui est ici en fait le pseudonyme de quatre auteurs) nous convie au XVIème siècle, en Allemagne et à Venise.

    Le point de départ (encore faut-il qu'il y ait réellement un point de départ), ce sont les guerres de religions mais pas seulement. Si Luther défie l'église romaine, il soulève dans les esprits une tempête, un désir d'émancipation non seulement envers l'église romaine mais contre toutes les formes de pouvoir. Et Luther s'associant au princes allemands va décevoir les espoirs de nombreuses personnes.

    Ainsi, nous allons suivre un personnage qui prendra plusieurs noms différents et qui s'associera puis mènera différentes campagnes que ce soient des révoltes, des tentatives d'autonomie ou de transformation des esprits. Il participera à la révolte des paysans menés par Müntzer, à la théocratie anabaptise de Münster qui se terminera en carnage ainsi qu'à un rapprochement entre les protestants et les catholiques lors de la campagne d'élection d'un pape.

    Mais en face de lui se trouve Carafa (personnage historique), évêque qui va se dresser contre les hérésies et les tentatives de schisme. Mais Carafa sera un personnage d'arrière-plan du récit car le véritable personnage second, principal du nom de "Q" (Qoelet du nom de l'écclésiaste), homme de main, espion à sa solde qui d'espionnage en complot va déjouer les plans des schismatiques.

    Nous allons donc suivre deux personnages que tout oppose pendant 40 ans: l'un, qui se mêlant aux espoirs les plus fous voire les menant, va vivre les révoltes contre les pouvoirs (église romaine, princes allemands), l'autre usant de psychologie, se mettant même en danger pour contrecarrer tout ce qui allait à l'encontre de l'infaillibilité de la maison de Saint-Pierre. Les deux personnages se retrouvant bien-sûr à la fin du roman.

    Le récit est riche, très riche. Nous sommes emmenés au milieu d'un univers que je ne connaissais pas et qui a donné naissance aux anabaptistes (dont sont issus les Amish par exemple) nous faisant découvrir les espoirs fous, anarchistes d'un peuple qui ne souhaitait que vivre selon ses propres lois, selon une religion libre d'être acceptée. C'est une époque riche en prophètes, en folie, en espoirs démesurés. La palme revient au récit de Münster qui aurait pu faire un livre en soi.

    C'est épique, enlevé. Je n'ai pas décroché du roman jusqu'à sa fin. Il faut peut-être avoir une petite culture religieuse pour en comprendre les tenants et les aboutissants, mais c'est une aventure qui mêle deux destins individuels aux affres du temps.

    Seul petit reproche mais qui fait l'unité de l'ouvrage: l'ensemble des événements réunis par les manipulations de Carafa (et le personnage principal) donnent un esprit complotiste alors que j'imagine que l'esprit du temps suffit à contrecarrer ce que met en place Gert du Puits (un de ses nombreux noms).


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  • René BAZIN- Charles de Foucauld

     

     

    Il suffit parfois d'un nom de rue pour s'intéresser à un individu.

    C'est le cas de Charles de Foucauld. Qui est cet homme qui a été sanctifié il y a peu? Comment au XXIème siècle peut-on encore sanctifier un individu qui plus est qui a vécu au XXème siècle, ce siècle de la technique, de l'affaiblissement du catholicisme en occident?

    A la lecture de cet honnête biographie, plusieurs éléments viennent éclaircir la situation. Il s'agit de l'histoire

    • d'un homme qui se repend puisqu'après une jeunesse plus ou moins de patachon, il décide de rejoindre l'église.
    • d'un homme qui choisit pour le guider un des ordres les plus stricts puisqu'il rejoint des trappistes (comme Huysmans d'ailleurs)
    • d'un homme de science qui rejoint la métaphysique voire la mystique puisqu'il est d'abord connu pour sa cartographie du Maroc qu'il a parcouru tel un aventurier.
    • d'un homme érudit qui traduira la langue touarègue (aussi dans le but de les convertir)
    • d'un homme qui rejoint un imaginaire ancien puisqu'il remet au goût du jour une forme d'érémitisme (pensons à Paphnuce dans Thaïs d'Anatole France)
    • d'un homme assassiné et qui est considéré par certains comme un martyr. (Même s'il semble avoir été assassiné pour des raisons crapuleuses et non religieuses)
    • d'un homme tout simplement qui avait ses contradictions.

    Bref, Charles de Foucauld qui a aussi été un homme de son époque (il y a une polémique à son sujet concernant ses élans considérés comme coloniaux et d'ailleurs, sa sanctification montre encore l'indépendance de l'église envers l'air du temps) semble être une forme de retour aux origines de la chrétienté, un "saint-homme" qui fuyant la civilisation, happé (comme tant d'autres) par le désert va y assouvir sa soif du divin et de l'ascèse.


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  • Charles STÉPANOFF - L'animal et la mort

     

    Parler de la chasse demande de l'apaisement tant le débat est aujourd'hui clivé entre les gentils protecteurs des animaux et les méchants chasseurs insensibles, profanateurs de la nature, procédant à des génocides.

    Le débat, la discussion mérite mieux que cela. Surtout si l'on observe un petit peu la pratique. J'ai moi-même connu une personne, époux d'une héritière de l'industrie du début du siècle, qui nous avait offert à l'époque où je mangeais encore de la viande des  de la viande, du gibier chassé en Sologne où il possédait une quart de chasse. Il m'avait expliqué qu'il procédait à une sorte de chasse où il était conduit de clairière en clairière pour tirer sur des canards et des perdrix. Nous en avions reçu un plein carton. Il avait fallu les plumer et les vider. Je garde un souvenir un peu dégoûté de ma main enfoncée dans la carcasse pour en retirer le coeur.

    Et il y aussi ces chasseurs aperçus au bord de la route, ces véhicules arrêtés au croisement d'un bois, ces chasseurs accompagnés de leur chien ne gilet orange, la carabine sur l'épaule. Il n'y avait rien de comparable avec la chasse précédente. D'un côté il y avait une personne habitant la proche banlieue parisienne se délocalisant en province et de l'autre des habitants du cru vivant leur propre campagne.

    Il y avait aussi parmi mes lectures dont je me souviens aujourd'hui une interview de Michéa où il expliquait avoir déménagé dans les Landes et fréquentant les chasseurs de son village. Je faisais alors le lien entre son adhésion à la common decency d'Orwell et sa mise en cohérence de rejoindre des personnes attachées à leur terre, à leur territoire, à leur terroir.

    Pour comprendre tout cela ou confirmer mes intuitions, il faut lire Charles Stepanoff. Charles Stépanoff est anthropologue. Il a la grande délicatesse du scientifique de faire preuve de neutralité axiologique. N'attendez aucun jugement moral dans son ouvrage. Et cela fait du bien.

    Ce livre est composé de deux parties.

    Dans la première, Stépanoff nous raconte à travers des enquêtes de terrain la ruralité et la chasse de ses habitants qu'il différencie de la chasse à cour ou celle de Sologne que j'ai déjà évoquée. Il nous fait rencontrer les protagonistes, les chasseurs tout comme les défenseurs des animaux qui s'opposent lors de sauvetages d'animaux par exemple. Il nous raconte l'évolution de la chasse, de la chasse aristocratique qui s'est démocratisée pour finir par être permise au peuple.

    Il nous raconte leurs cosmologies, leur façon d'être au monde, leurs imaginaires, leurs mythes dans un ensemble complexe. Il fait des comparaisons avec des tribus de Sibérie par exemple. Il nous décrit un monde qui n'est pas celui de la cruauté mais un monde complexe fait de respect pour le vivant, une manière d'appréhender la mort, de comprendre les rapports aux autres dans une pratique proche de la nature.

    Dans une deuxième partie, il nous raconte l'histoire de la chasse et son évolution à travers à la fois les rapports de classe ou religieux (l'ermite par exemple)

    Stépanoff évoque un rapport complexe à la nature et la façon dont les chasses ont commencé par structurer la défense des aires naturelles et des animaux pour s'en trouver évincés. Ce sont même les chasseurs qui ont introduit les cervidés dans certaines aires. Il nous fait vivre ce basculement qui a rendu le rapport à la nature presque uniquement vécu sous l'angle des urbains, néoruraux qui ne voit plus dans la nature qu'une nature-loisir ou nature-contemplation. S'en trouve alors exclu les ruraux, ceux qui vivent une nature proche, quotidienne dont ils vivent.

    Apparaît alors l'extraordinaire contradiction. Les personnes, la ruralité se voit voit vouée aux gémonies parce qu'elle continue à vivre une nature dont elle font partie. on voudrait la voir exclue de son propre domaine laissant la place à une nature dénaturée sous la pratique agricole intensive qui a fait disparaître les haies (ces forêts alignées), à des individus ne vivant la nature que de façon superficielle, ne l'habitant pas, refusant pour la plupart la chasse jugée criminelle dans une société de plus en plus sensible et pourtant acceptant dans l'ensemble les abattoirs, la mort industrielle cachée.

    Un livre précieux pour aborder les questions de la chasse, de la ruralité, des animaux (animaux sauvages, animaux-enfants, animaux-ressources) sans jugement.


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