• En 1922, 5 ans après la prise de pouvoir des Soviets en Russie, Wells s'y rend pour un reportage avec en prime en entretien avec Lénine. C'est le compte-rendu que nous pouvons lire ici.

    Wells se considérait comme socialiste. Le contenu de son ouvrage montre qu'il n'avait pas de sentiment anticommuniste (au moins à l'époque, après, je ne sais pas). Il considère que le pays sous gouvernement tsariste était corrompu et que la Révolution était plus ou moins nécessaire. Il justifie d'ailleurs et les exactions des soviets et le contrôle du pays comme étant une sorte de nécessité. Nous pouvons y lire un certain enthousiasme pour le une sorte de politique de la refondation quelle que soit sa radicalité.

    Depuis longtemps, le gouvernement russe a été contraint d'envisager les remèdes contre la pénurie de presque toutes choses, pénurie qui résulte en partie de la prolongation de la guerre (car, depuis six ans, la Russie n'a pas un seal instant cessé d'être en guerre), en partie de l'effondrement général de l'organisation sociale et en partie du blocus.

    Dans ces conditions, et avec une circulation monétaire en complet désarroi, il fallait avant tout protéger les villes contre le chaos a qui n'eût pas manqué de résulter de l'acca parement, du mercantilisme, de la famine, empêcher aussi la lutte féroce qui se fut fatalement déclenchée pour la possession des dernières denrées comestibles et autres produits de première nécessité.

    La seule protection possible impliquait le contrôle total des disponibilités et le rationnement. Le gouvernement des soviets rationne par principe, il est vrai; mais aujourd'hui, en Russie, n'importe quel gouvernement se ver rait dans l'obligation de rationner.

    De fait, si, dans nos pays d'Occident, la guerre s'était prolongée jusqu'à l'époque actuelle, on rationnerait in nourriture, le vête ment et l'habitation à Londres et à Paris comme on le fait présentement à Petrograd et à Moscou.

    Toutefois, en Russie, le système dut s'organiser sur la base d'une production agricole impossible à contrôler et parmi une population qui est, par tempérament, indisciplinée, nonchalante, amoureuse de ses aiser. La lutte contre le renchérissement et le gaspillage est nécessairement cruelle. Quand un profiteur se fait prendre, un vrai profiteur, un de ceux qui opèrent sur une grande échelle, son affaire est claire : on le fusille. transaction commerciale la plus nor male est souvent punie avec sévérité.

    Tout commerce, quel qu'il soit, est qualifié: spéculation, et interdit par la loi. Pourtant, à Petrograd, on ferme les yeux sur un commerce d'aliments et de menus objets qui se pratique bizarrement à tous les coins de rues. Et même à Moscou, ce commerce s'exerce ouvertement, car c'est seulement par cette tolérance qu'on a pu amener le paysan à rapporter des vivres à la ville.

    Beaucoup d'affaires clandestines se traitent aussi entre acheteurs et vendeurs qui se connaissent. Tous ceux qui le peuvent suppléent de cette façon à l'insuffisance de leurs rations légales.

    Autre extrait:

    Le parti communiste, quelque critique qu'on puisse lui opposer, personnifie une idée et on peut compter sur lui pour la dé fendre.

    Il représente un élément moral supérieur à tout ce qui lui a été opposé jusqu'ici.

    En autorisant les paysans à s'approprier les terres des grands propriétaires, en faisant la paix avec l'Allemagne, il s'est assuré l'appui passif de la masse rurale.

    Dans les grandes villes, grâce à un nombre effroyable d'exécutions, il a restauré l'ordre.

    A une certaine période, quiconque était trouve en possession d'une arme sans auto risation était fusillé. Le procédé était grossier et sanglant, mais

    il s'est trouvé efficace. Pour conserver le pouvoir, le gouverne ment communiste organisa des commissions extraordinaires disposant de pouvoirs illi mités et écrasa toute opposition par la ter reur rouge. Une grande partie des actes de cruauté et d'épouvante imputables à cette terreur doivent être attribués au fait qu'elle fut exercée par des hommes à l'esprit étroit : nombre de ces représentants agissaient dans un sentiment de haine sociale et dans la crainte d'une contre-révolution.

    Du moins, si elle était fanatique, elle était honnête. Quelques actes individuels d'atrocité mis à part, ces hommes n'ont tué que pour des raisons déterminées, dans un but déterminé. Leurs effusions de sang se distinguent des sottes boucheries sans but du régime Denikine, lequel, m'a-t-on assuré, se refusait même à reconnaître et à respecter la Croix Rouge bolcheviste.

    Aujourd'hui, je crois le gouvernement bolcheviste de Moscou aussi solide que n'im porte quel autre gouvernement d'Europe.

    De même, à ce que j'ai constaté, les rues des villes russes offrent autant de sécurité que celles de n'importe quelle ville d'Europe.

    Wells n'est pas dupe de la misère et n'est pas non plus un thuriféraire du nouveau régime même s'il semble aveuglé par l'illusion des possibles. il rapporte de façon amusante une visite dans une école "Potemkine" qu'il visite et où les élèves lui disent quel l'auteur anglais le plus important est... H.-G. Welles lui-même.

    Ce qu'il soulève principalement, c'est le fait que le nouveau régime n'était pas préparé à prendre le pouvoir dans un pays qui d'après Marx n'avait pas les caractéristiques d'un pays où la révolution devait avoir lieu (cad un pays industrialisé).

    Il raconte le dénuement des hommes, des scientifiques coupés des échanges internationaux.

    Un de ses propos qui revient plusieurs fois, c'est qu'il est persuadé que les autres pays dans le même état que la Russie auraient vécu le même type de renversement de régime:

    La Russie d'aujourd'hui est une immense ruine, tel est le fait primordial dont il faut se pénétrer.

    La révolution communiste et le gouvernement communiste, que je me propose de décrire dans un prochain article, ne sont que des conséquences de ce fait. Ils ont jailli des ruines, soul milieu qui ait pu leur être propice. Il importe au plus haut degré que les peuples d'Occident se pénètrent bien de ces vérités.

    Si la grande guerre s'était prolongée un an ou deus de plus, l'Allemagne d'abord, les autres puissances ensuite se seraient déroulées comme la Russie.

    Le cours des événements aurait pu être influencé par des conditions spéciales à chaque pays, mais le résultat partout aurait été le même.

    Ce que nous avons vu en Russie n'est, en somme, que le résultat, sur une plus grande échelle, d'un état de choses semblable à celui vers lequel se trouvaient entraînés la Grande-Bretagne et les autres pays belli gérants de 1918.

    La disette que nous constatons en Russie, nous avions commencé à en souffrir en Angleterre.

    On rationne en Russe comme on a rationne en Angleterre et ailleurs.

    Mais chez nous les lois qui régissent le rationnement sont mal appliquées et inefficaces. En Russie, on n'inflige pas d'amendes au profiteur, on le fusille.

    Au lieu du Décret pour la défense du royaume qui, en Angleterre, réglementait la répartition des denrées, poursuivait les défaitistes, les espions, les profiteurs, etc., nous voyons en Russie la Commission extraordinaire. Certaines tensions qu'en Angleterre nous ne considérions que comme de simples en nuis, ont pris la proportion de calamités en Russie. Voilà toute la différence.

    D'ailleurs, il est très possible que l'Europe occidentale soit entraînée par le courant des événements vers un écroulement semblable à celui qu'on trouve en Russie.

    Quant à moi, je ne suis pas le moins du monde certain que nos pays soient hors de danger.

    On peut parfaitement se demander si la guerre, l'amour exagéré du bien-être, la spéculation improductive, ne gaspillent pas en ce moment davantage que ce que nous arrivons à produire.

    Auquel cas, notre propre écroulement banqueroute, disette universelle, détraquement social et politique avec toutes leurs conséquences la grande subversion en un mot, ne saurait être qu'une question de temps. (nous retrouvons là le goût romantique pour l'effondrement)

    Le dernier chapitre qui raconte l'entrevue (difficilement obtenue dans ce régime déjà très bureaucratique) avec Lénine se nomme "le rêveur du Kremlin". Le titre du chapitre teinte le personnage alors que rappelons-le le NKVD et les camps de concentration étaient déjà mis en place. Lénine se plaint que la révolution russe ne puisse se mettre en place sans la révolution mondiale. Nous pouvons y voir déjà la prise de conscience que l'utopie communiste en son coeur est déjà vouée à l'échec.

    Au milieu de l'échange, cette phrase effroyable de Wells.

    "Ce n'est pas seulement l'organisation matérielle d'une société qu'il vous faut entreprendre dis-je encore, c'est tout un peuple auquel il vous faut donner une mentalité nouvelle. Les Russes sont par habitude trafiquants et individualistes; c'est leur âme même et leurs instincts qu'il vous faudra complètement repétrir si ce monde nouveau doit survivre."

    Et toujours dans l'échange cette même antienne il y a un siècle sur le capitalisme (qui pourtant aura sorti tellement de personnes de ma misère et de la faim) de la part de Wells, socialiste et de Lénine communiste

    "Pour moi, expliquai-je, je crois qu'au moyen d'une campagne d'éducation civique campagne soutenue et de grande envergure le système capitaliste actuel pourrait être civilisé et changé en un système collectiviste universel.

    Lénine, par contre, a épousé, il y a déjà plusieurs années, le dogme marxiste de l'inévitable lutte des classes et de la suppression totale du capitalisme comme prélude essentiel à toute tentative de reconstruction, le dogme de la dictature du prolétariat, etc.

    Il lui fallait donc soutenir, et il le soutint à nouveau, que le capitalisme moderne est incurablement rapace, gaspilleur, réfractaire à tout perfectionnement.

    Il lui fallait soutenir et il le soutint, que le capitalisme moderne continuera à exploiter l'héritage de l'humanité, stupidement et sans aucun but déterminé, qu'il combattra et empêchera toute administration des ressources nationales en vue du seul intérêt général, et que périodiquement, inévitablement, il amènera la guerre sur le monde."

     

    Un ouvrage précieux pour comprendre comment la révolution bolchévique pouvait être perçue dans les années 20 par les sympathisants

     

    P.S. de façon surprenante, au milieu de tous les noms de dirigeants russes cités, n'apparaît pas celui de Staline qui prendra pourtant le pouvoir à la mort de Lénine début 1924.


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  • Eliszabeth VON ARNIM- Elizabeth et son jardin allemand

    Il est des ouvrages pour lesquels il aura certainement fallu avoir quanrante ans passés ainsi que le plaisir découvert d'entretenir un jardin.

    Peut-être aussi faut-il être dans ce jardin pour pleinement en profiter.

    Elizabeth von Arnim, anglaise comme son nom ne l'indique pas (c'est d'ailleurs un pseudonyme) a épousé un allemand et se retrouve donc aristocrate en Allemagne au milieu d'une propriété qu'elle fera sienne.

    C'est un ouvrage hétéroclite. Il est question du plaisir de l'ornementation du jardin, il est question aussi de sa condition de femme qui l'empêche (sauf quand elle le fait en douce) de mettre les mains dans la terre.

    10 mai. L'année dernière j'ignorais tout du jardinage, et cette année ne suis guère plus savante même si j'ai maintenant les idées plus claires et si je suis déjà passée de la culture des volubilis à celle des roses thé.

    "Le jardin était une véritable forêt vierge qui encerclait la maison de tous côtés, mais surtout au midi. De ce côté la maison ne comporte qu'un étage : une longue série de pièces qui se commandent les unes les autres. Les murs sont entièrement

    recouverts de lierre. Au centre, une petite véranda mène par un escalier de bois branlant vers la seule partie du jardin qui ait jamais été vraiment entre tenue. Dans un demi-cercle bordé de troènes, au milieu de la pelouse, je découvris onze plates bandes de différentes dimensions disposées autour d'un très ancien cadran solaire moussu pour lequel j'ai beaucoup d'affection. Ces plates-bandes étaient le seul signe visible de jardinage en ce jardin (à l'exception d'un crocus solitaire qui fleurissait chaque printemps sans l'avoir vraiment désiré - mais que pouvait-il faire d'autre?). J'y plantai partout des volubilis après avoir lu dans un manuel de jardinage allemand qu'ils étaient capables de transformer le désert le plus lugubre en véritable paradis. Le manuel les recommandait avec une chaleur vraiment communicative. Dans mon ignorance des quantités à utiliser j'en achetai dix livres que je ne plantai pas seulement dans les onze plates-bandes mais autour de presque tous les arbres, puis attendis, très agitée, l'apparition du paradis promis. Jamais celui-ci ne daigna se montrer, et ce fut ma première leçon."

    Mais le fil conducteur de l'ouvrage (qui date de 1898), c'est la personnalité de l'auteur ainsi que le ton utilisé. Nous découvrons une femme plutôt libre d'esprit. Elle montre beaucoup de distance vis à vis des personnes. Elle appelle son mari "l'Homme de Colère" mais on ne peut s'empêcher d'y lire une certaine tendresse malgré sa rugosité. Le propos est souvent piquant. Dans la fin de l'ouvrage, il s'agit surtout d'une sorte de relation à trois qui s'installe avec deux autres femmes qui sont venues vivre un temps chez elle dont une dont on sent bien qu'Elizabeth n'apprécie pas. Ses propos sont parfois cruels, le jeu à deux contre Minora (c'est son prénom) sont souvent marqués par un manque de sympathie et des moqueries sourdes mais le caractère détaché de l'ensemble nous fait lire les scène un sourire en coin.

    Mais qu'importe! Nous avons le plaisir de découvrir une personnalité forte, indépendante, qui derrière ses propos parfois hautains, parfois sensibles envers son jardin (son parc plutôt), parfois féroces, parfois tendres envers ses trois enfants fait apparaître une personnalité attachante. La personne devait être difficile à vivre mais la narratrice sait se faire apprécier.

    Un livre à lire sous une tonnelle, dans un petit jardin soigné, un jour de soleil, avec quelques abeilles qui viendraient vous bourdonner pacifiquement aux oreilles.

     

     


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  • Tim BOUVERIE - Apaiser Hitler

    En cette période de guerre en Ukraine déclenchée par le dictateur Poutine, il me semblait intéressant à titre de compariason de me pencher sur la période qui a précédé le déclenchement de la seconde guerre mondiale (pas -encore la deuxième).

    En effet, l'entre-deux guerre était le certes le temps des grandes idéologies, de la mise en place des dictatures (1917, 1922, 1933, 1936) en Europe. Mais suite à la première guerre mondiale, c'était aussi l'époque du pacifisme. Pacifisme souvent cosmopolite, d"une Europe fantasmée. C'est le temps des Jean Giono, des Roma

    « Et puis, il y avait aussi l’idéologie internationaliste et pacifiste. Je suis, je m’en flatte, un bon citoyen du monde et le moins chauvin des hommes. Historien, je sais tout ce que contenait de vérité le cri fameux de Karl Marx : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » J’ai trop vu la guerre, enfin, pour ignorer qu’elle est une chose à la fois horrible et stupide. Mais l’étroitesse d’âme que je dénonçais tout à l’heure a consisté précisément à refuser d’accorder ces sentiments avec d’autres élans, non moins respectables. Je n’ai jamais cru qu’aimer sa patrie empêchât d’aimer ses enfants ; je n’aperçois point davantage que l’internationalisme de l’esprit ou de la classe soit irréconciliable avec le culte de la patrie. Ou plutôt je sens bien, en interrogeant ma propre conscience, que cette antinomie n’existe pas. C’est un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse. Laissons, cependant, ce domaine de l’affectif. Quiconque a la pudeur de soi-même et horreur des grands mots, trop vulgarisés pour traduire comme il le faudrait des réalités spirituelles si intimes, ne s’y tiendra jamais longtemps sans malaise. Aussi bien, ce n’est pas sur un pareil terrain que nos pacifistes nous invitaient, ordinairement, à les suivre.

    Ils invoquaient avant tout l’intérêt ; et c’est en se faisant de cet intérêt prétendu une image terriblement étrangère à toute vraie connaissance du monde qu’ils ont lourdement induit en erreur les disciples, un peu moutonniers, qui, en eux, mettaient leur foi.
    Ils disaient que le capitalisme français était dur à ses serviteurs et ils n’avaient, certes, pas tort. Mais ils oubliaient que la victoire des régimes autoritaires ne pouvait manquer d’aboutir à l’asservissement presque total de nos ouvriers. N’apercevaient-ils donc pas, autour d’eux, tout prêts à s’en saisir et presque à la souhaiter, les futurs profiteurs de notre défaite ? Ils enseignaient, non sans raison, que la guerre accumule les ravages inutiles. Mais ils omettaient de distinguer entre la guerre qu’on décide volontairement de faire et celle qui vous est imposée, entre le meurtre et la légitime défense. Leur demandait-on s’ils nous conseillaient de tendre le cou au bourreau ? Ils répondaient : « Personne ne vous attaque. » Car ils aimaient à jouer sur les mots et peut-être, ayant perdu l’habitude de regarder en face leur pensée, se laissaient-ils eux-mêmes prendre dans les filets de leurs propres équivoques. Le voleur de grand chemin ne crie pas à sa victime : « Donne-moi ton sang. » Il consent à lui offrir le choix : « La bourse ou la vie. » De même, au peuple dont il poursuit l’oppression, le peuple agresseur : « Abdique ta liberté ou accepte le massacre. » Ils proclamaient que la guerre est affaire de riches ou de puissants à laquelle le pauvre n’a pas à se mêler. Comme si, dans une vieille collectivité, cimentée par des siècles de civilisation commune, le plus humble n’était pas toujours, bon gré mal gré, solidaire du plus fort. Ils chuchotaient – je les ai entendus – que les hitlériens n’étaient pas, en somme, si méchants qu’on affectait de les peindre : on s’épargnerait sans doute plus de souffrances en leur ouvrant toutes grandes les portes qu’en s’opposant, par la violence, à l’invasion. Que pensent-ils, aujourd’hui, ces bons apôtres dans la zone occupée, tyrannisée, affamée ?

     Hitler, c'est aussi Munich, ce sont les compromis, les compromissions. C'est l'échec des tentatives d'apaisement.

    Autant le dire tout de suite, la couverture est habile. J'ai eu l'impression que le livre allait aborder le panorama européen (il y a Daladier dessus). Mais c'est un livre qui traite essentiellement de la politique anglaise. Le personnage principal est Neville Chamberlain et dans son ombre Churchill. L'ouvrage traite donc d'un environnement politique que je maîtrise mal avec des noms inconnus. C'est le côté négatif de la lecture, sa part décevante. (pour moi)

    Cependant, l'ouvrage en forme de tragédie, (tout ouvrage d'histoire est une tragédie. On nous raconte des événements que l'on sait advenir.) donne une vision intéressante de tout le processus pas forcément politique mais personnel de Chamberlain confronté aussi aux envies des peuples. A savoir que demander la paix, l'obtenir à n'importe quel prix n'est pas une fin en soi.

    Chamberlain (et d'autres) voulait cette paix à tout prix et a sacrifié des alliances, s'est leurré, s'est aveuglé, n'a pas pris acte des faits pourtant connus (nuit de cristal, trahisons des pactes, nuit des longs couteaux) s'est fait berner, a accepté les mensonges pensant que n'importe quelle paix avait de la valeur (D'autant plus à une époque où peu de personnes avaient lu Mein kampf.).

    C'est une longue course à l'abîme à laquelle nous assistons. un espoir sans cesse repoussé.

    Bien sûr on peut refaire l'histoire, s'amuser des "et si...", faire des dystopies, mais quand on voit que des individus voyaient clair dans le jeu de Hitler, ne se berçaient pas d'illusion, on ne peut que faire des comparaisons (prudence avec les analogies qui inhibent les différences) avec la manière dont nous traitons avec les dictateurs. on le voit aujourd'hui avec Poutine. Si comparaison nous pouvons faire, c'est qu'une fois que l'idéologie est connue, la dictature installée, nous avons toutes les bonnes raisons du monde de faire pression et de ne pas accepter les compromis qui ne font que repousser l'inéluctable à savoir la confrontation qu'elle soit directe ou par pays interposés.

    Le pacifisme à tout prix est une utopie. Chamberlain en a été l'homme d'Etat. L'Europe en a payé le prix. la politique rationnelle, du réel, du désillusionné est le fameux et antique "si tu veux la paix, prépare la guerre", si vis pacem, para bellum, la géopolitique étant un déséquilibre permanent.


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  • AUDIBERTI - Carnage

    Sur Facebook après avoir lu l'incipit, je disais:

    Je n'ai lu que deux chapitres, mais quelle écriture! Ce ne sera pas, de façon évidente, ce qu'on appelle un "page turner" (Le "page turner" n'est-il pas d'ailleurs la nouvelle manière d'euphémiser une littérature facile, sans exigence, vite lue, vite oubliée?). Non ce sera un roman sur lequel on s'accroche. Pour lequel on relit parfois certaines phrases volontairement bourrues, mâtinées de patois.Le roman datant de 1942 s'adressait à à des lecteurs qui vivaient alors l'exode rural. Il fallait peut-être avoir une certaine expérience vivante de la campagne, de sa beauté, de sa rudesse, de sa métaphysique pour s'y plonger et en vivre le romanesque. Ici, il est question de la Franche-Comté (pensée à Loofy Boiteux et à d'autres)Je pense alors aussi à Marcel Aymé (il est d'ailleurs rapidement question de la Vouivre. Le roman de La Vouivre date de 1943), à Giono, à Bosco.Je pense aussi à Marie Veyrin-Forrer qui aime Franck Bouysse certainement parce qu'elle est aussi attachée à la Correze. Mais, quelle écriture! incipit

    AUDIBERTI - Carnage

    C'est vrai, quelle écriture. C'est dense, recherché, exigeant, parfois difficile à lire.

    Je disais que le roman de par la date s'adressait forcément à des personnes qui avaient une culture de la campagne et qui vivaient dans une culture de plus en plus urbaine. Je ne croyais pas avoir tant raison puisque c'est même le coeur du récit.

    Médie est une sorte de nymphe, de jeune fille, magnifique, coureuse des bois ou plutôt des ondes, incarnation d'une nature franc-comtoise, de ses forêt, de ses lacs, de ses cours d'eau  vivant recluse. Près d'elle, sorte de personnage secondaire, Carnage est laid. Il est un tueur d'animaux. Il les tue gratuitement.

    Médie rencontrera un cousin éloigné.Ils s'aimeront. Celui-ci revient d'Afrique. Il lui promet les dunes, l'exil, l'exotisme.

    Immédiatement après son départ, Médie se promet en mariage à Carnage. Il est bestialité, corruption, laideur. mais il est aussi d'ici. Il est même la ville puisqu'ils partiront monter un commerce de blanchisserie. La Machine est d'ailleurs monstrueuse. Médie est d'ailleurs corrompue puisque tout se terminera par une jeune fille acculée au suicide par le couple.

    Récit métaphorique, dense, intense. L'écriture complexe, lourde dans le sol quand l'action se passe au plus près de la nature, se simplifie, se rationalise lorsque nous entrons dans la ville.

    Roman très travaillé, à l'écriture exigeante. Il vaut le détour.


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  • Nina BERBEROVA - L'affaire Kravtchenko

    En 1948, sort en France J'ai choisi la liberté de Victor Kravchenko.

    Juste après, Les Lettres Françaises dans un article signé du nom de Sim Thomas accuse Kravchenko de n'avoir pas écrit son livre et de mentir afin de déstabiliser l'URSS. Les Lettres Françaises était une revue fondée pendant l'occupation alors officine du Parti Communiste Français qui faisait à l'époque 30% dans les urnes

    Kravchenko attaque alors la revue pour diffamation. Et Nina Berberova va assister aux six semaines de procès et va en faire le résumé et commentaire.

    L'ensemble est très intéressant parce qu'il dit bien ce que pouvait être une idéologie installée et puissante. Les Lettres Françaises soutenues par les édiles communistes de l'époque (Dont Garaudy bien plus connu pour un autre négationnisme que celui des goulags).

    Le procès a été épique. (Kravchenko gagnera) de par la présence d'avocats talentueux mais aussi par le présence même De Kravchenko qui sera présent afin de réfuter les accusation une à une. Car Kravchenko est accusé de mentir sur l'Holodomor, de mentir sur le NKVD, sur les purges, sur les goulags..

    Les avocats des Lettres Françaises vont l'accuser d'abord d'être à la solde de l'Allemagne en 1044 puis des Américains.Il n'aurait pas écrit le livre seul, voire rien du tout. ON va remettre en cause son parcours. Il sera accusé de lâcheté, d'être un déserteur. Il sera accusé d'alcoolisme, de paresse, de mentir sur son CV.

    Difficile à l'époque d'objectiver ce qui se passe en URSS, de passer les frontières et de faire un récit objectif de ce qui s'y passait. ON va donc assister à une sorte de combat entre témoins de moralité. Des témoins du côté de Kravchenko vont venir appuyer ce qu'il a raconté dans son livre. Les témoins du côté de la défense vont faire venir des Russes, des généraux, des français qui y ont voyagé et qui viendront dire qu'il ne s'est rien passé de tel, que la culture y est différente ou qu'il y a parfois des nécessités... Bien souvent toutes les accusation seront mises à bas (sur la carrière entre autres).

    Ce qui est aussi très intéressant, c'est d'y lire la manière dont les Français d'alors s'illusionnaient volontairement ou non sur la réussite soviétique (un des témoignages d'un des avocats lors de l'appel en est un exemple frappant), comment les partisans communistes français étaient à la solde de l'URSS. Ils en recevaient les fausses information. Il y avait une réelle intrication de l'URSS dans le communisme français.

    Dans ce procès témoigne Vercors (qui quittera le PC entre le procès et l'appel d'ailleurs) Dans les tribunes apparaissent Koestler, Gide, Sartre.

    Ce n'était pas je premier récit des atrocités qui avaient lieu en URSS (mais bien avant une journée d'Ivan Dennisovitch), mais ce procès en diffamation a permis à Kravchenko de confronter une idéologie et ses affidés à une vérité judiciaire: la diffamation ne peut suffire pour tenter de faire taire les opposants au régime soviétique.

    Il faudra attendre 1956 et le rapport Kroutchev pour que l'URSS reconnaisse tout ce que Kravchenko dénonçait alors.

    un article sur le sujet.

     


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